Le concept d’analyse quatrième, qui est passé dans l’usage et le langage courants au sein de notre groupe correspond à une façon nouvelle d’envisager le travail de formation analytique classiquement défini et admis, dans l’ensemble des Sociétés freudiennes du monde entier, sous le nom de contrôle ou d’analyse supervisée.
L’analyse quatrième est donc, d’abord, une théorie du contrôle, de la situation de supervision - théorie jamais esquissée jusque-là - et prenant en compte l’ensemble complet des figures et personnes qui y interviennent, ainsi que leurs interactions visibles ou cachées.
La reconsidération ainsi faite de cette partie essentielle de la formation, entraîne des modifications et des recentrages à la fois théoriques et pratiques, visant à mieux cerner la matière analytique elle-même, et surtout à prévenir son échappée potentielle à garantir autant qu’il se peut contre son éviction involontaire.
Le concept de processus, d’abord, c’est-à-dire de déroulement selon le temps (voisin des notions freudiennes de "travail" et d’"élaboration", s’est progressivement avéré et continue d’être l’un des plus utilisés dans les apports de notre groupe aux problèmes de la formation, de l’habilitation, et jusqu’à ceux des relations de l’analyse et des analystes avec les institutions, à commencer par celles de leurs propres Sociétés.
La notion de processus, en effet, s’applique tout autant à l’analyse (celle du candidat en ce cas) ; à l’analyse quatrième ; aux cures psychanalytiques ou psychothérapiques concernées ; aux sessions inter-analytiques ; à l'habilitation enfin. L’analyse quatrième repose essentiellement sur le repérage, puis le maniement (intervention, abstention suspensive, interprétation des données transférées c’est-à-dire du transfert non moins que de son homologue croisé, le contre-transfert). C’est pourquoi a été posé et défini le concept double de transfert-contre-transfert.
L’expérience montre que la totalité du processus d’une analyse, et les aléas de ses réussites comme de ses blocages, limites ou échecs, est sous la dépendance des appréhensions et des interférences - manifestes et plus encore latentes - d’expressions et de déguisements émanant d’un fonds transféro-contre-transférentiel permanent, c’est-à-dire présent dès avant le début de l’entreprise analytique et se maintenant jusqu’à son terme, et même au-delà. Ceci rend compte de la nature processuelle du phénomène.
Quant à la donnée plus spécifiquement contre-transférentielle celle-ci conditionne les capacités d’écoute et d’entendement non moins que leur contrepartie limites et surdités, écoute de soi-même (narcissique) et non plus d’autrui. L’inter-subjectivité, qui est aussi inter-objectivité et inter - objectalité définit le cadre optimum (setting) du processus analytique.
Or le versant contre-transférentiel renvoie toujours avec évidence - mais souvent aussi dans la méconnaissance - aux données analytiques propres de l’analyste, C’est-à-dire à l’analyse de l’analyste; et, parmi ces données. aux moins bien résolues d’entre elles, Ainsi est-il apparu que le travail de l’analyse quatrième réactualisait, remettait en cause et en chantier le transfert de l’analyste, et incluait donc nécessairement - quoique évidemment in absentia - l’analyste de l’analyste.
Il en résulte que faute d’un quantum suffisant d’appréhension de ces données, dimensions et voies régrèdientes, une part essentielle - puisqu'inconsciente - de la matière analytique se trouve tacitement évacuée, évitée ou hors d’atteinte.
Le but de l’analyse quatrième se définit de lui-même par cette approche théorico-clinique et tbéorico-technique du processus engagé. Il est de permettre, par voie de signalisation - plutôt que d’interprétation au sens spécifique du mot - la mise en lumière relative des données brièvement rappelées ci-dessus notamment selon les effets transféro-contre-transférentiels croisés et interférents, qui enferment des zones très aisément et fréquemment inaperçues, hors-limites, repoussées ou ignorées, lesquelles sont néanmoins des éléments constitutifs, agissants d’une analyse et doivent par conséquent, dans la mesure du possible, lui être réintégrées.
Ces notations expliquent aussi pourquoi un tel travail ne peut s’accomplir seul. L’auto-analyse ne saurait y suffire.
Il exige l’exposé et la discussion en présence d’un analyste qui occupe une position - non seulement tierce comme c’est le cas dans la situation analytique idéale - mais quatrième d’où le nom donné à ces sessions formatrices.
Ainsi menée, l’analyse quatrième, par la discussion et l’élaboration théorico-clinique contradictoire, et par le principe du pluralisme formateur qui la fonde permet de surcroît, d’atteindre deux résultats d’importance considérable
A — Elle fait apparaître la pluralité des sens et des stratifications de la matière analytique. Elle éclaire les problèmes complexes du choix - délibéré ou, plus encore aveugle - choix du matériel et choix de l’interprétation. Elle aide à la formulation d’hypothèses interprétatives heuristiques, par la découverte des interprétations latentes. Elle en permet enfin la confirmation ou la réfutation, par le recours à une critériologie de recoupements et convergences.
B — Formation et communications pluralistes permettent de parer aux effets les plus aliénants de l’identification - non pas secondaire mais tertiaire - à analyste. Identification dont certains esprits égarés sont allés jusqu’à soutenir qu’elle était la fin idéale de l’" analyse didactique" ; mais dont l’expérience montre qu’elle est au contraire stérilisante et aberrante.
LE TEXTE CI-DESSUS EST EXTRAIT DU DOCUMENT :
FORMATION ET HABILITATION (1983)
préparée en collaboration par Piera Aulagnier, Nathalie Zaltzman et Jean-Paul Valabrega , lequel a assuré en outre la rédaction du texte. Le texte entier comprenant :
* Avertissement
* Quelques conditions minimales à l’entreprise de la formation
* Analyse Quatrième et la session inter-analytique
* Le processus d’Habilitation
A ce texte sont ajoutées les Annexes suivantes :
* Annexe 1 : Avertissement de 1983 remplacé en 1999
* Annexe 2 : Modalités de cooptation- Modalités du processus d’habilitation 1999
* Annexe 3 : Modalités de cooptation- Modalités du processus d’habilitation 1983
Formation et habilitation