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Chez le parent d’un sujet porteur d’une déficience mentale, souvent atteint d’une pathologie pré-objectale, le trouble dans la transmission survient à l’endroit où, sous le primat d’une visibilité saisissante, a lieu la confrontation de l’enfant imaginaire avec l’enfant insolite du réel. Le corps du handicap génère chez le parent, l’analyste, le groupe institué, un effet paradoxal d’attraction/répulsion propice au déploiement de fantasmes inconscients par lesquels chacun se crée sa propre mythologie, mettant en scène sa théorie des origines. Le sujet lui-même se révèle, quel que soit son degré de déficience, en quête d’un savoir donnant sens à sa carence. Dans l’univers institutionnel, ces fantasmes et mythes à l’œuvre, modèlent le regard de l’accueilli et du soignant à travers leurs projections transféro-contre-transférentielles en attente d’élaboration. Générées par la clinique du sujet rencontrée dans notre pratique d’analyste en institutions médico-sociales, nous recenserons et interrogerons quelques-unes des fantaisies de l’excès, nées de l’étrangeté produite par le stigmate de la différence qui façonne la relation intersubjective.
Cet article s’intéresse au cheminement théorico-clinique de Lou-Andreas-Salomé tel qu’il nous est accessible dans sa correspondance avec Freud, principalement à travers le cas d’une petite fille de six ans, mais aussi avec celui d’un patient adulte brièvement évoqué. On y voit comment Lou articule la notion de guérison à une exigence de sublimation explorée dès les premières expériences infantiles, et comment le débat engagé avec Freud la rapproche d’une posture plus ferenczienne.
Si l’œuvre littéraire de Lou Andreas-Salomé est une œuvre sans ambition, elle préfigure autant qu’elle redéploie les motifs qui jalonnent ses textes analytiques, également marqués par une ingénuité de façade. Les images choisies par Lou viennent donner corps à un entre-deux de la littérature et de la psychanalyse, qui relève également de la philosophie. Une lecture de Jutta, innocente nouvelle écrite en 1933, fait apparaître la prégnance des échanges fondateurs avec Nietzsche, où la vocation thérapeutique de Lou prend forme en contrepoint d’une redistribution inédite entre l’Éternel Féminin et l’Éternel Masculin dont le philosophe a l’intuition à son contact. Si Lou peut se défendre d’avoir produit une grande fiction, nous pouvons repérer dans l’ensemble de son œuvre les linéaments d’une vaste ramification qui opère au cœur de cet entre-deux de la littérature et de la psychanalyse, et qui doit à la philosophie son irréductible géographie.
Cet article part de l’exemple de Victor Tausk pour interroger les joutes psychanalytiques qui ont présidé à l’écriture et à la réécriture continuée d’une histoire de la psychanalyse tantôt oublieuse d’un dossier difficile, tantôt encline à le rouvrir au risque de l’autocritique. Impliquant un dialogue serré entre l’Histoire et l’histoire d’une discipline émergente, la postérité du psychanalyste-soldat éclaire les méthodes d’écriture successivement adoptées pour alimenter ce dialogue.
L’injonction sociale de la transparence constitue un marqueur contemporain du malaise dans la culture. Elle vient attaquer « l’interlocution interne » du sujet, comme condition de possibilité du lien entre semblables différents, au fondement de l’idée même d’ensemble humain. La psychanalyse, comme méthode thérapeutique et d’investigation, référée à l’écoute de l’écart du dit et du dire, constitue intrinsèquement une résistance à l’attaque. Cette résistance sera mise en perspective à travers l’esquisse d’une approche généalogique de la notion d’interlocution interne, au croisement de l’individuel et du collectif.
Cet article propose de reprendre la question de la tendresse : là où elle a commencé – avec Freud – et là où elle a re-commencé – avec le dialogue entre Freud et Ferenczi. Elle se pose entre eux deux, avec pour enjeu une métapsychologie intégrant, d’une part, les processus psychiques de l’analyste en séance et, d’autre part, le statut de l’infans dans l’adulte.
Préambule
Les systèmes d’Intelligence artificielle prolifèrent à très grande vitesse dans plusieurs domaines. Je m’intéresse particulièrement aux LLMs (grands modèles de langage) qui vont probablement modifier la présentation des concepts des corpus théoriques mis en mémoire sur l’Internet. Parmi ces LLMs, je choisis uniquement ChatGPT4. En ce moment sont aussi accessibles en expérimentation par des personnes qui comme moi ne sont pas spécialistes du numérique Mistral et Claude notamment.
Sans le moindre accès aux algorithmes qui le gouvernent, il serait bien prétentieux (et inutile) de vouloir comprendre le fonctionnement de cet AI. Toutefois je peux y réagir à ma façon, sur quelques points choisis, qui deviendraient pour moi des points d'appui pour persévérer dans mes investigations.
J’ai commencé par quelques petits exercices (Conversations de 1à 4). L’idée était d’approcher ce que devient le Corpus Freudien et ce qu'il va devenir dès lors qu'il est récolté et manipulé en tous sens par des Intelligences Artificielles. De ce Corpus et surtout de son destin, les psychanalystes actuels sont responsables.
Mais avec l’arrivée du mot « halluciner » et l’anthropomorphisme massif qu’il suppose, ma recherche s’est précisée. Cette évolution apparait dans les conversations de 5 à10. Elle est devenue : quelle langue parle mon interlocuteur ? Apparemment il écrit en français, mais est-ce encore vraiment du français ? L’apparition de « Je », puis de « métaphore » et l’extrême difficulté qu’il y a à saisir l’usage fait par l’IA de ces termes oriente ma recherche vers l’idée que nous n’aurions des IA -et quel que soit notre niveau de formation en informatique- qu’une connaissance apophatique. Je suis confortée dans cette idée par la lecture de « Parole de machines » d’Alexeï Grinbaum, dans lequel je relève 70 fois la formule : ce n’est ni (ceci) ni (cela) et qui utilise dès l’année dernière ce terme de la théologie négative. Je vais donc continuer en ce sens en relisant « Phantasme, mythe, corps et sens » de JPV. Et chemin faisant, essayer de comprendre ce que devient la vérité dans les productions IA.
A suivre.
Cette réflexion que Geneviève Lombard a initiée en juin 2023 se poursuit et se développe sur plusieurs chapitres :
Premiers essais avec l'intelligence artificielle
19.06.23 Conversation ChatGPT Débuts
21.06.23 Conversation1 Avenir de la psychanalyse au XXI° siècle?
21.06.23 Conversation2 Invention citations de Freud?
28.06.23 Conversation3 Pouvez-vous analyser un rêve?
12.11.23 Conversation5 ChatGPT4 et le Corpus théorique freudien
12.11.23 Conversation6 Erreur et vérité
06.03.24 Conversation7 Erreur et vérité: l'hallucination
06.03.24 Conversation8 L'hallucination selon ChatGPT4
10.03.24 Conversation8 bis L'hallucination selon Copilot
13.03.24 Conversation10 L'hallucination Conclusion provisoire
26.03.24 Apparition du "Je" : Un "Je" de"hasard"
03.04.24 Métaphore. Métaphore et/ou encapsulation?
10.04.24 Capturer. "L'esprit du capitalisme?"
17.04.24 Ni ceci, ni cela
25.04.24 Objet a et dollar
Dans certaines configurations psychiques et psychopathologiques, le langage verbal n’occupe plus à lui seul la centralité de la scène intersubjective. La clinique du handicap mental invite l’analyste à changer de paradigme s’il veut entendre le sujet dans son lien à l’autre. Plus seulement pris dans le langage, l’imaginaire ou le fantasme, le corps du handicap représente aussi une voix d’expression du registre pulsionnel. Corps réel agi, mobilisant autant la réalité somatique que psychique et imaginaire, il se révèle porteur de sens. Sollicité sur sa capacité à témoigner auprès du sujet du trauma vécu, l’analyste soutient l’émergence du processus d’appropriation subjective en offrant au sujet un lieu d’inscription identitaire et sublimatoire pour une histoire en quête d’une forme. L’engagement du sujet dans cette co-construction signifiante révèle moins l’insuffisance de son fonctionnement psychique que son effort à symboliser des représentations jusque-là inassimilables. Nous proposons, à travers des séquences cliniques élaborées entre professionnels du champ médico-social et dans nos entretiens singuliers, l’exploration de l’histoire d’une femme, déficiente mentale et psychotique, admise en institution suite à des abus sexuels intra-familiaux. La résidente développera d’abord une obésité morbide puis une dermatose grave et plus tard une tumeur agressive, révélant un soma pris dans l’exigence d’une activité pulsionnelle éruptive au défi de son organisation érogène, porteuse autant d’une déliaison mortifère cataclysmique que d’une réelle potentialité symbolisante.
Objectif
Nous nous proposons d’examiner les rapports entre la place de la psychanalyse à l’hôpital et la crise actuelle des professionnels du soin, elle-même plus largement prise avec celle qui a cours dans la société, dont les enjeux identitaires semblent au premier plan.
Méthode
Envisager la rencontre clinique à travers les deux axes du diagnostic et du transfert permet d’ouvrir la discussion sur les enjeux identitaires et identificatoires qui s’y croisent aussi.
Résultats
Ces deux axes se croisent dans toute rencontre clinique, mais la tentation actuelle serait de la réduire aux dimensions raisonnables du premier.
Conclusion
En voulant éviter ainsi les difficultés liées à la prise en compte du second, non seulement toute une partie de l’efficacité thérapeutique est perdue, mais encore c’est une des causes possibles des effets délétères sur les soignants d’une rencontre clinique dont l’enjeu central serait en priorité évaluatif, perdant ainsi de sa complexité et de son épaisseur. Et une des causes possibles de la crise actuelle de l’hôpital.
Le paiement des séances d’analyse est un marqueur fort du cadre de la cure. Payer, c’est donner quelque chose en retour de ce qui a été reçu, une façon de tiercéiser la relation transférentielle. Mais que paye-t-on exactement ? Il s’agit d’explorer le paiement en psychanalyse au travers de ses modalités – moment et moyens de paiement – et de l’envisager comme le règlement d’une dette qui se situe au-delà de la séance et de l’analyste. Venir en analyse c’est aussi venir régler ses comptes avec les générations précédentes et penser malgré tout sa dette de vie.
RÉSUMÉ
Les travaux de Mélanie Klein sur la psychanalyse de l’enfant l’amenèrent à modifier la théorie freudienne du surmoi en postulant pour celui-ci une plus grande précocité et une nature très archaïque. Bien que Freud sur ce point ne l’ait pas désavouée, cette hypothèse d’un surmoi cruel et archaïque reste controversée. Elle nous amène à refuser certains aménagements apportés à la clinique de la cure, dans le but d’amener l’analyste à la position d’un surmoi parental bienveillant. Ceci au détriment de l’interprétation du transfert...
Les dangers de ces aménagements techniques, pouvant conduire à des interprétations sauvages et à des transgressions, sont mis par l’absurde en évidence dans le film de Cronenberg «Maps to the stars» qui montre un «coach-analyste» entraînant ses patients et lui-même dans un scénario mégalomaniaque et catastrophique. Ceci en résonance avec le cynisme stupéfiant du monde des célébrités hollywoodiennes.
La question du cadre est d’abord une question d’actualité sociétale quand s’affaissent toutes les médiations symboliques comme c’est le cas aujourd’hui. C’est aussi penser le cadre politique et extra-politique dans lequel s’inscrit la pratique de la psychanalyse. On distinguera le bord externe du cadre de la situation analytique qui réunit les éléments du dispositif et que mettent en péril les pratiques par « zoom ». On prendra en compte l’investissement transférentiel du cadre métaphorisant les parts projetées du corps de l’analyste. Le cadre, sur son bord interne, soutient l’écran psychique qui rend possible le jeu transférentiel des représentations. Telle est la fonction tiercéisante du cadre.
On évoquera le travail en face à face et la place du contre-transfert dans l’instauration des deux bords du cadre de la situation analytique proprement dite, une face double du cadre dirigée à la fois vers la réalité du dehors et la réalité du dedans.
Dans le « Séminaire sur l’amour » (1970-1971), François Perrier apporte une contribution essentielle à la problématique de la sexualité féminine et du féminin en donnant au maternel féminin statut d’expérience fondatrice du féminin, de la construction du narcissisme et du moi-idéal pour la femme, en deçà de la théorie sexuelle phallique soutenue par Freud assignant à la femme valeur de négatif. À l’écoute clinique des contenus pulsionnels archaïques, d’angoisses féminines spécifiques, non partageables par le garçon, il récuse le schéma freudien réduisant l’accès au désir chez la femme à l’envie du pénis. Avec l’invention du concept d’amatride comme structure de transition dans la culture, il décrit et conceptualise une figure féminine illustrant une faillite de la structuration du féminin pour donner à la cure la visée d’inscrire le signifiant féminin dans sa positivité.
La psychanalyse naît, se développe et se reformule dans un processus sans fin de transmission. L’auteur abordera les questions posées par la transmission de la psychanalyse à l’université, en tant qu’elles viennent interroger le lien intrinsèque entre méthode psychanalytique et métapsychologie.
L’auteure met l’accent sur la théorisation de la pensée de l’analyste en séance, et sur le fil central de la solitude qui l’accompagne dans ses différentes déclinaisons : présence-absence, vivance-perte, en partant de La perte de soi de J.-F. Chiantaretto, et des associations qu’il lui a inspirées. Elle explore ainsi une solitude habitée, animée par un entre-deux qui singularise l’expérience de la cure, tandis qu’elle est traversée par des mouvements intérieurs contradictoires entre doutes et conviction, incertitudes et croyance, et prolongée pour l’analyste par la place de l’écriture.
Le « travail de culture » (Freud, Zaltzman) ne se limite pas au dispositif divan-fauteuil et à la mise en œuvre de « l’or pur de la psychanalyse ». Nous interrogeons ce qu’il en est de l’extension de la psychanalyse et des dispositifs institutionnels qui attractent la vie psychique, et constituent des scènes pour le déploiement transférentiel. Le champ de la mésinscription (soin, travail social, etc.) procède de la catégorie de l’intermédiaire, œuvrant à l’incessant « remaillage du corps social » (Henri), et à la constitution du « bien commun ». Le travail de transformation de la destructivité qui s’y développe permet de penser le Kulturarbeit, dans la pluralité des dimensions individuelles, groupales, institutionnelles et collectives.
Psychiste dans une institution accueillant des personnes adultes atteintes d’une déficience mentale et de troubles associés, nous évoquerons dans cet article des situations rapportées d’un lieu d’élaboration de situations cliniques par des professionnels éducateurs ou vécues en entretiens psychothérapeutiques singuliers. Confrontée à des sujets qui, répétitivement, « racontent des histoires » à leurs pairs, à l’accompagnant du quotidien, au psychiste, nous nous interrogerons, dans une écoute analytique, sur la potentialité de sens dont ces récits sont porteurs. À travers le dire d’un sujet en particulier, nous questionnerons le statut de ces récits affabulatoires centrés sur une thématique du négatif. Quels liens entendre entre ces fictions et le discours de ses premières figures d’attachement ? Quels effets inconscients sont recherchés par le sujet ? Sont-ce des formations réactionnelles à des mensonges initiaux des premiers objets, à des attitudes ou agirs déconcertants et énigmatiques de l’environnement, des constructions narratives mettant en scène des fantasmes originaires ? Prises dans la trame intersubjective transférentielle, ces affabulations auraient-elles quelques vertus symbolisantes ?
L’histoire du mouvement psychanalytique montre comment plus d’un chemina aux côtés de Freud ignorant alors les points de désaccord qui allaient peser d’un poids suffisant pour l’amener sinon à se séparer du moins à revendiquer une psychanalyse à sa manière. L’exemple de la fondation du 4e Groupe OPLF souligne qu’on ne saurait faire des scissions un phénomène purement institutionnel, un fait de politique, mais que plus profondément les initiateurs de ces scissions ont opéré une dérive théorique due à leurs apports propres qui fait potentiellement effet de coupure.
August Aichhorn, psychanalyste viennois, oublié ou méconnu, n’ayant écrit qu’un seul livre, a été un novateur en amenant à la psychanalyse des populations qui en étaient exclues : adolescents délinquants, familles, et personnes de catégories sociales n’appartenant pas à la bourgeoisie viennoise. Sa pratique clinique de la psychanalyse, développée dans la revue « pédagogie psychanalytique », va influencer une multitude de psychanalystes. Celles et ceux qui ont participé à ses séminaires vont essaimer sur 2 continents : En Europe avec les polycliniques mais aussi en Grande-Bretagne où ces psychanalystes vont jouer un rôle de médiation dans la controverse entre Mélanie Klein et Anna Freud, et en France où l’ordonnance 1945 sur la protection des mineurs va s’en inspirer.
L’histoire du mouvement psychanalytique est parsemée de moments de conflits de personnes, assez passionnels, aboutissant parfois à des ruptures brutales – exclusions ou démissions à titre personnel – ainsi qu’au niveau collectif, notamment en France, à des scissions. Le tableau est le suivant : une majorité, garante de l’identité institutionnelle s’opposerait à un groupe de réformateurs un peu trop zélés. Je vous propose un survol rapide des conflits ou des tensions théoriques rencontrés par le tout jeune Freud neurologue confronté à la pensée des grands maîtres de la neurologie en espérant pouvoir saisir un élément de compréhension qui éclairerait la position épistémologique tranchée qu’il adoptera plus tard en condamnant les cadres de pensée et les visions d’ensemble au profit de la recherche pas à pas.
Bien que les ruptures dans l’histoire de la psychanalyse se produisent toujours sur le problème de la formation, la passion et la conflictualité (favorisant les maladies chroniques des sociétés analytiques, qui prennent la forme du suivisme, du clanisme et du clivage destructeur) opèrent comme « pousse à la scission ». La scission de 2005 du Quatrième Groupe, dont l’issue sera la création de la SPRF, sera étudiée pour interroger la problématique de l’aliénation transférentielle (à l’analyste, à la société analytique, au désir de devenir analyste et au savoir) et le retour du refoulé du pouvoir, de la dissimulation et de la déception présents au temps de Jacques LACAN mais aussi avec le fondateur de la psychanalyse. La théorisation de l’institution analytique serait à investir pour continuer à penser et à créer à partir de ces problématiques de formation, d’aliénation et de communauté analytique au travail.
L’auteur décrit la présence d’« objets léthargiques » dans l’inconscient des patients qui présentent une réaction thérapeutique négative, et une activité du moi qui tend à produire et à maintenir la paralysie de ces objets. L’objet « léthargisé » est équivalent au noyau psychotique, ainsi qu’au moi prénatal du malade. Cet objet interne est intensément éprouvé par l’analyste dans son contre-transfert. Ces idées sont illustrées par l’histoire d’un patient qui présentait une réaction thérapeutique négative.
«Le problème – clinique, théorique et métapsychologique – des aménagements techniques liés à la psychopathologie des limites est au centre de cette lecture de Ferenczi, d’un Ferenczi cherchant à se trouver/créer dans la confrontation à Freud et à ses contradictions. Elle excelle à montrer un Ferenczi à la recherche d’une théorie du contre-transfert et de son élaboration, à travers l’idée que la “perlaboration sensible” de l’analyste permettrait d’associer et de justement doser le versant qualitatif de l’interprétation et le versant quantitatif de la répétition, per via di porre et per via di levare. La “logique paradoxale” de l’oscillation viendrait ainsi transformer le duel en dualité créatrice. Et si l’empathie guide l’oscillation, l’identification empathique ne vise pas l’analysant en personne, ni même l’ensemble de son fonctionnement psychique, mais l’enfant traumatisé encrypté dans l’adulte clivé, pris dans le piège de l’identification à l’agresseur et à sa culpabilité inconsciente : isolé et donc incapable d’être seul.»
J.-F. Chiantaretto, Préface
Auteurs : LAURET M. (ss la direction de), CABASSUT J., CAMACHO S., DOLLÉ-MONGLOND B., DUFOUR D.-R., LANTIER M., LAURET M., ROUZEL J., SAURET M.-J., VAQUIÉ M.
Auteurs : LAURET M. (ss la direction de), CABASSUT J., CAMACHO S., DOLLÉ-MONGLOND B., DUFOUR D.-R., LANTIER M., LAURET M., ROUZEL J., SAURET M.-J., VAQUIÉ M.
Contexte
L’incertitude est consubstantielle de la pratique psychanalytique, fondée sur une ouverture à l’inconnu. La règle fondamentale en institue l’expérience au fondement de la cure. Elle est tout à fois la réponse méthodologique la plus ajustée aux logiques du sexuel infantile et le ressort privilégié de son appropriation subjective.
Objectifs
L’auteur souhaite opposer à cette incertitude féconde une incertitude fondée sur une dépendance vitale qui, sur fond de lien passionnel, tend à figer le processus analytique et vise la destruction de la cure. Partant, il s’agit de problématiser le régime d’incertitude propre à l’expérience-limite. Cette expérience de « lutte à mort contre la mort » s’engage lorsqu’une emprise apparemment sans issue s’exerce sur un être humain et le dépossède « d’un droit impersonnel à la vie » (N. Zaltzman, 1998). De quels ressorts la pratique psychanalytique dispose-t-elle dans un tel contexte ?
Méthode
L’auteur s’appuie à la fois sur une pratique clinique de psychanalyste et son travail de superviseur auprès d’équipes confrontées à des cliniques de la grande précarité. Les champs anthropologiques ou artistiques sont également convoqués pour explorer les logiques de l’expérience-limite. L’auteur met à l’étude le concept de pulsion anarchiste proposé par Nathalie Zaltzman il en propose un réexamen critique tout en soulignant sa grande valeur sur le plan clinique. À l’horizon de ce questionnement, l’auteur interroge la psychanalyse au regard de la crise environnementale, pensée comme expérience-limite à venir.
Résultats
Quelles sont les ressources d’une psychanalyse aux prises avec l’expérience-limite ? Le travail clinique en régime anarchiste assure la constitution d’une résistance singulière au cœur des zones de mort. Elle a vocation à armer psychiquement les sujets pour soutenir une capacité à jouir de l’existence malgré tout, sans sombrer dans la psychose, l’apathie, l’aliénation. Traversée par l’expérience-limite (la crise de la Covid-19, par exemple), une psychanalyse travaillée par la pulsion anarchiste peut, en retour, entreprendre un travail de réexamen de ses fondements et de déplacement de ses paradigmes fondateurs.
Conclusion
Ce texte interroge les changements de paradigme cliniques et théoriques requis par un régime spécifique d’incertitude, celui de l’expérience-limite. Le questionnement clinique se double d’une interrogation anthropologique, sur fond de crise environnementale. Ce texte constitue une première approche et s’efforce de poser quelques jalons au cœur d’un chantier considérable.
Les absents (hommes, dieux et autres esprits) jouent un rôle considérable dans la création des signes qui servent, dans toute société, à désigner, nommer, et même instituer les places des présents et celles des absents tout en mettant du sens dans leurs relations. La sémiotique conçoit ainsi le processus d'humanisation à travers la création des signes alors que la psychanalyse a permis, à sa manière, de voir combien le monde des absents participe à la construction psychique du sujet.
Comme toujours dès qu’on décentre durablement l’humain de son apparente et naïve quiétude, dès qu’on sème le doute sur ses souvenirs et l’origine de ses passions, on le rend malade. Malade de la peste. Le dimanche 27 aout 1909, sur le pont du George Washington qui l’amenait à New-York, contemplant la découpe des gratte-ciels de Manhattan, Freud ne s’y était pas trompé. « Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste… » avait-il confié pensivement à Ferenczi et Jung. La psychanalyse comme peste des certitudes. Vérité impossible à formuler en Europe ? Ironie d’un Viennois ciblant la naïveté américaine ? En tout cas, la mesure de cette « peste » et la qualification de ses symptômes ne sont pas plus aisés aujourd’hui qu’en 1909. C’est pourtant cela que vise ce recueil.
Au demeurant, la véracité de la phrase citée fait débat. Elle ne figure ni dans les œuvres de Freud, ni dans celles de Ferenczi ou de Jung. Pourtant, le 7 novembre 1955, à Vienne, lors d’une conférence prononcée sur le sens d’un « retour à Freud », Lacan affirme la tenir de Jung. Mais l’aurait-il finalement inventé pour propager, au nom de son fondateur, l’annonce des méfaits de la jeune science ? Comme avec le pangolin du XXIe siècle, un doute subsiste sur l’identité de l’agent infectieux.
Rendre à l’incertitude son bien, tel est donc l’enjeu. Mais encore faut-il pouvoir la défaire de l’irritation qu’engendre toute retenue, fût-elle celle du jugement. Séjourner « dans les incertitudes, les mystères et les doutes sans se laisser aller à la quête agacée de faits ou de raisons » exige une solide capacité négative. John Keats en faisait la source du génie de Shakespeare, et Bion en rappelle l’impérieuse nécessité dans l’exercice de l’analyse. C’est à ce prix que l’écoute s’affranchit de tout agrippement au savoir, qu’elle accueille l’angoisse et l’effondrement pour permettre, le moment venu, les salutaires mouvements de la curiosité.
Certes on pourra regretter que depuis plus d’un siècle la « jeune science » ait pris quelques rides et qu’elle puisse parfois s’essouffler sous le poids de trop généreux commentaires. Pourtant l’incertitude demeure l’ordinaire du psychanalyste. À condition, bien sûr, qu’il accepte de suivre les chemins du scandaleux et de l’inouï en s’arrachant aux ornières du bien connu et du prédictible.
Comme on le verra, les textes ici assemblés partent souvent de « petits riens », rencontrés au fil du quotidien analytique. Dans la cure, dans l’échange entre collègues, en marge de lectures. Ils sont comme autant de pensées incidentes. Elles en disent souvent long sur les vastes et complexes théories qui les sous-tendent et se sont constituées au cours d’un lent parcours. À l’écart de tout conformisme assuré, chaque auteur a voulu se laisser distraire par l’imprévu et l’incertain. Sans fausse pudeur. Sans naïveté ni complaisance non plus.
J.Y. T.
Auteurs: Viviane Abel Prot, Isabelle Alfandary, Marc Amfreville, Laurence Apfelbaum, Miguel de Azambuja, Jean-Louis Baldacci, André Beetschen, Leopoldo Bleger, Laure Bonnefon-Tort, Catherine Chabert, Jean-François Chiantaretto, Nicolas de Coulon, Brigitte Dollé-Monglond, Bernadette Ferrero-Madignier, Gilberte Gensel, Jean-Michel Hirt, Laurence Kahn, Marie Claire Lanctôt Bélanger, Jean-Michel Lévy, Anne Maupas, Évelyne Sechaud, Marie Sirjacq, Jean-Yves Tamet, Claire Trémoulet.
Comme toujours dès qu’on décentre durablement l’humain de son apparente et naïve quiétude, dès qu’on sème le doute sur ses souvenirs et l’origine de ses passions, on le rend malade. Malade de la peste. Le dimanche 27 aout 1909, sur le pont du George Washington qui l’amenait à New-York, contemplant la découpe des gratte-ciels de Manhattan, Freud ne s’y était pas trompé. « Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste… » avait-il confié pensivement à Ferenczi et Jung. La psychanalyse comme peste des certitudes. Vérité impossible à formuler en Europe ? Ironie d’un Viennois ciblant la naïveté américaine ? En tout cas, la mesure de cette « peste » et la qualification de ses symptômes ne sont pas plus aisés aujourd’hui qu’en 1909. C’est pourtant cela que vise ce recueil.
Au demeurant, la véracité de la phrase citée fait débat. Elle ne figure ni dans les œuvres de Freud, ni dans celles de Ferenczi ou de Jung. Pourtant, le 7 novembre 1955, à Vienne, lors d’une conférence prononcée sur le sens d’un « retour à Freud », Lacan affirme la tenir de Jung. Mais l’aurait-il finalement inventé pour propager, au nom de son fondateur, l’annonce des méfaits de la jeune science ? Comme avec le pangolin du XXIe siècle, un doute subsiste sur l’identité de l’agent infectieux.
Rendre à l’incertitude son bien, tel est donc l’enjeu. Mais encore faut-il pouvoir la défaire de l’irritation qu’engendre toute retenue, fût-elle celle du jugement. Séjourner « dans les incertitudes, les mystères et les doutes sans se laisser aller à la quête agacée de faits ou de raisons » exige une solide capacité négative. John Keats en faisait la source du génie de Shakespeare, et Bion en rappelle l’impérieuse nécessité dans l’exercice de l’analyse. C’est à ce prix que l’écoute s’affranchit de tout agrippement au savoir, qu’elle accueille l’angoisse et l’effondrement pour permettre, le moment venu, les salutaires mouvements de la curiosité.
Certes on pourra regretter que depuis plus d’un siècle la « jeune science » ait pris quelques rides et qu’elle puisse parfois s’essouffler sous le poids de trop généreux commentaires. Pourtant l’incertitude demeure l’ordinaire du psychanalyste. À condition, bien sûr, qu’il accepte de suivre les chemins du scandaleux et de l’inouï en s’arrachant aux ornières du bien connu et du prédictible.
Comme on le verra, les textes ici assemblés partent souvent de « petits riens », rencontrés au fil du quotidien analytique. Dans la cure, dans l’échange entre collègues, en marge de lectures. Ils sont comme autant de pensées incidentes. Elles en disent souvent long sur les vastes et complexes théories qui les sous-tendent et se sont constituées au cours d’un lent parcours. À l’écart de tout conformisme assuré, chaque auteur a voulu se laisser distraire par l’imprévu et l’incertain. Sans fausse pudeur. Sans naïveté ni complaisance non plus.
J.Y. T.
Auteurs: Viviane Abel Prot, Isabelle Alfandary, Marc Amfreville, Laurence Apfelbaum, Miguel de Azambuja, Jean-Louis Baldacci, André Beetschen, Leopoldo Bleger, Laure Bonnefon-Tort, Catherine Chabert, Jean-François Chiantaretto, Nicolas de Coulon, Brigitte Dollé-Monglond, Bernadette Ferrero-Madignier, Gilberte Gensel, Jean-Michel Hirt, Laurence Kahn, Marie Claire Lanctôt Bélanger, Jean-Michel Lévy, Anne Maupas, Évelyne Sechaud, Marie Sirjacq, Jean-Yves Tamet, Claire Trémoulet.