Bibliographie
Michelle MOREAU RICAUD
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The book is divided in five sections. 'The historico-biographical' describes Ferenczi's childhood and student days, his marriage, brief analyses with Freud, his correspondences and contributions to daily press in Budapest, list of his patients' true identities, and a paper about his untimely death. 'The development of Ferenczi's ideas' reviews his ideas before his first encounter with psychoanalysis, his relationship with peers, friendship with Groddeck, emancipation from Freud, and review of the importance of his Clinical Diary. The third section reviews Ferenczi's clinical concepts and work: trauma, unwelcome child, wise baby, identification with aggressor, mutual analysis, and many others. In 'Echoes', we follow traces of Ferenczi's influence on virtually all traditions in contemporary psychoanalysis: interpersonal, independent, Kleinian, Lacanian, relational, etc.
308 pages.
Expérience intime et quotidienne s’il en est, la fatigue interroge et perturbe nos frontières psychiques et physiques, dans une sorte d’entre-deux. Est-elle un signal d’alarme, une forme de stress, ou encore une émotion ? L’approche biomédicale occidentale peinant ou renonçant à définir ce symptôme non spécifique, trop subjectif, c’est davantage aux sciences humaines et sociales ou aux sciences de l’esprit que recourt ce Dictionnaire pour approcher au plus près du cœur du phénomène. Représentant un large éventail de disciplines, 91 auteurs montrent au fil de ces 131 entrées qu’à travers les peuples et les siècles, chaque groupe humain développe son entité de fatigue de prédilection, au gré de son rapport au corps, au divin, à la mort ou au travail. De l’acédie à la mélancolie, de la neurasthénie au burn out ou au bore out, ce Dictionnaire de la fatigue jette ainsi les fondements d’une anthropologie de la fatigue qui reste à construire.
3 articles de M. Moreau-Ricaud : "Café - Balint - Ferenczi"
864 pages.
« Qu’est-ce que vivre ? L’absence de maladie mentale est peut être la santé, ce n’est pas la vie. » Les questions qui sont au cœur du travail de Donald W. Winnicott sont essentielles. Elles font de lui, pour toujours, notre contemporain. Cet ouvrage en témoigne.
Des psychanalystes y rendent compte de ses recherches sur la créativité et la destructivité, la haine comme facteur de connaissance. Ils nous montrent également l’aspect novateur, jamais fermé par l’orthodoxie, de sa clinique avec les enfants, et avec les adultes.
Un entretien inédit de son épouse, Clare Winnicott, dresse un portrait de cet analyste enthousiaste qui se définissait comme un « chercheur en psychanalyse ».
240 pages.
Pour comprendre la psychanalyse, écrivait Freud en 1922, le mieux est encore de s'attacher à sa genèse et à son développement. C'est ce principe d'un dialogue constant entre les origines de la découverte freudienne et son évolution que les auteurs de ce Dictionnaire ont adopté. Leur but est de permettre aux lecteurs d'aujourd'hui de découvrir ou de parcourir l'oeuvre de Freud en suivant la manière dont elle s'est forgée et développée. Ce Dictionnaire, le premier du genre, revient sur les sources de la psychanalyse de Freud, tout en montrant comment son invention s'inscrit à la croisée de plusieurs traditions. Il s'attache aussi à envisager l'entreprise freudienne en fonction de son héritage et de sa postérité. Il évoque enfin ses échanges avec tous les domaines de réflexion et de création qu'elle n'a cessé de côtoyer (philosophie, littérature, anthropologie, histoire). Ainsi, ce Dictionnaire témoigne de la vitalité d'une œuvre qui demeure parmi les plus considérables de l'histoire de la pensée. Soixante-quinze spécialistes de Freud, internationaux et français, associés à des universitaires issus du domaine de la psychanalyse autant que des champs multiples des sciences humaines, explorent l'univers freudien selon une approche renouvelée et diversifiée. Ils offrent autant de points de repère et d'analyses approfondies qui permettent d'en avoir une vision d'ensemble et de le rendre accessible au plus grand nombre.
1088 pages.
Quels sont les nouveaux Golem, Frankenstein ? Que sont les Stalking Cat et autres transformations corporelles ? La modernité connaît une myriade de « monstres ». L’homme n’a cessé d’en représenter, d’en imaginer, puis, avec l’essor de la science, de chercher à en produire.
C’est par l’exagération de ses contours et de ses traits, ses disproportions, la laideur de sa face, que le monstre est le plus proche du rythme propre au psychisme. Comment « travaille » le monstre dans le psychisme ? D’où tire-t-il ses formes, son énergie, sa puissance scopique qui s’impose presque toujours au regard ? Un monstre, ça se voit et ça ne passe pas inaperçu. Il donne visage aux terreurs les plus enfouies du sujet, celles de l’extrême enfance où règnent souvent le chaos, les angoisses archaïques. Un monstre, c’est à la fois une composition qui permet d’exhumer ce qui est en mouvement dans les couches les plus profondes de la psyché et une force incontrôlée que le sujet tente de réguler mais qui trouve une issue bien souvent par le travail de création.
Le fil rouge de cet ouvrage est la question du corps ; d’un donné à voir dans ces figures créées sur la scène contemporaine, que ce soit par les artistes qui témoignent des pratiques de la science ou par la médecine qui réinterroge les formes du vivant. Une réflexion à l’articulation de la création artistique et littéraire comme reflet de la société, des nouvelles formes de médecine et de la psychanalyse.
Cet ouvrage est publié aux éditions In Press
300 pages.
Jean Martin Charcot n’a pas bonne presse, et pourtant...
Hystérie et folie traversent les siècles, prenant les formes de “l’air du temps”.
De l’utérus migrateur d’Hippocrate aux recherches neurologiques de Charcot.
Du désir inconscient avec Freud à la jouissance du parlêtre chez Lacan...
C’est à cette traversée historique et conceptuelle que nous convie cet ouvrage.
L’Association Psychanalyse et Médecine (APM) a organisé, avec l’Université Paris XIII, les 4 et 5 octobre 2013, un colloque dans l’amphithéatre Charcot, pour célébrer les quatre cents ans de la création de l’hôpital de la Salpêtrière, et le cent-vingtième anniversaire de la mort de Charcot. Réunissant psychanalystes, sociologues, historiens, écrivains, artistes, chacun y apporta un regard permettant de sortir Charcot de ses limbes et des mythes entourant le personnage, pour retrouver l’acuité de son apport, tant à la médecine qu’à ce qui lui échappe. Charcot fut celui qui ouvrit la voie à la découverte de l’inconscient, et eut le courage et l’honnêteté de ne pas s’en détourner. Au cours de ces deux journées de réflexion, riches de travail et d’échanges, quatre siècles d’histoire ont été traversés, quatre siècles parcourant le cheminement des représentations et la place réservée à l’hystérie dans la Société.
Cet ouvrage cherche à rendre compte de la complexité de cette découverte et de la façon dont elle a cheminé. Il regroupe les contributions d’un certain nombre d’auteurs ayant participé à cet événement.
Cet ouvrage est publié par EDP Sciences pour l'APM (Association Psychanalyse et Médecine).
238 pages.
Psychanalyste, docteur en psychologie clinique, membre du Quatrième Groupe, chercheure associée au centre « Psychanalyse et Médecine » (univ. Paris Diderot-Paris7), Michelle Moreau Ricaud est secrétaire scientifique de l’Association internationale d’histoire de la psychanalyse, membre de la Société médicale Balint, présidente de la Maison Sándor Ferenczi-Paris. Elle a publié Cure d’ennui. Écrivains hongrois autour de Sándor Ferenczi, Paris, Gallimard, 1992 ; Michael Balint. Le renouveau de l'École de Budapest, Toulouse, Érès, 2000, rééd. 2007, et a collaboré à de nombreuses revues françaises et étrangères.
164 pages.
Les noms comme les visages nous identifient, ils portent l’histoire des ancêtres et se (trans)portent de génération en génération : transmission du patronyme, du nom dit de famille. Comme nous dit la petite histoire (juive), les noms nous collent à la peau et à vouloir s’en séparer, ils vous reviennent comme des signifiants porteurs de l’origine. Dans la tradition juive, le nom apparaît comme porteur de sens. Dans la Bible, le premier acte d’Adam fut de nommer tous les animaux et tous les oiseaux que dieu avait créés (Genèse 2, 19-20). Puis Adam nomme sa femme Ève.
À faire la route (de l’exil), nombreux sont les juifs qui ont changé d’un « nom à coucher dehors » car ce nom, parfois difficilement prononçable, les identifiait comme venant d’ailleurs, risquant de freiner leur intégration et leur promotion sociale.
Comment les noms nous identifient-ils ? De quels lieux sont-ils porteurs ? Comment nous approprions-nous nos noms ? Comment habitons-nous nos noms ? Et quel regard les autres portent-ils sur notre patronyme ?
484 pages.
300 pages.
249 pages.
Articles
À la mort de Ferenczi, son ami écrivain D. Kosztolányi lui rend un hommage émouvant. Il évoque sa personnalité sociable, attachante, juvénile, dont la curiosité, toujours en éveil, le faisait s’intéresser à tout, à l’art, la littérature, aux jeux, au folklore... Il le présente aussi aux lecteurs du Nuygat comme un chercheur inquiet, faisant une place au doute, et dont l’influence s’étend, avec celle de Freud, sur le plan international. Ferenczi, engagé dans le combat pour la cause analytique, s’est occupé aussi bien des « affaires extérieures », comme Freud les appelait, (création de l’Association psychanalytique internationale) que de théorie (dont l’originale Thalassa) ou de formation analytique.
Ce jour, 17 mars 2019, marque l'anniversaire de la naissance du Quatrième Groupe, il y a cinquante ans. Réinterrogeant les archives récentes (d'Alain de Mijolla et de Jean-Paul Valabrega), je me propose de reconstruire le cheminement de chacun des trois fondateurs : Piera Aulagnier, François Perrier et Jean-Paul Valabrega, dans l'histoire complexe de la psychanalyse en France, traversée de nombreuses scissions. Il apparait que la fondation d'un quatrième groupe a été pour eux (et pour ceux qui les rejoindront en 1969) une nécessité éthique. Après avoir connu plusieurs Sociétés (trois pour F. Perrier et J.P. Valabrega, deux pour Piera Aulagnier) et y avoir lutté pour une formation analytique exigeante, ils se doivent de quitter Lacan, avec lequel ils ont cheminé depuis la SPP, sans pour autant retourner à l'Association Psychanalytique Internationale : ils créent alors une "organisation", une association psychanalytique autre.
Comment transmettre la découverte de l’inconscient ? Freud propose d’abord de suivre son chemin, l’autoanalyse, puis d’ajouter la lecture de ses travaux. Peu à peu, sa méthode psychanalytique se complexifie par l’enrichissement de sa métapsychologie, avec les concepts de transfert du patient et de contre-transfert du psychanalyste. Ferenczi fait de l’analyse de l’analyse la deuxième règle de la psychanalyse et pense les trois temps de la formation du psychanalyste (cure, contrôle, théorie) comme un apprentissage. Ce terme, loin d’être péjoratif, renvoie à l’apprentissage du « métier » et de ses valeurs, tel que les corporations artisanales l’avaient conçu, en s’appuyant sur la Tradition. L’obligation éthique pour le futur artisan était de passer par les stades d’apprenti, compagnon et maître. Son élève Vilma Kovács développera la méthode double du contrôle analytique : « contrôle de l’analyse » (la technique employée par le débutant) et « analyse de contrôle » (éclairage du contre-transfert).
Cet article, partant d’une pratique de l’auteur, est un bref résumé de la vie et de l’œuvre du psychanalyste Michael Balint jusqu’à la création, à la Tavistock Clinic de Londres, de son groupe « méthode Tavistock » ou « training cum research » ou « groupe Balint », pour former, après-guerre, les médecins à une prise en charge holiste. Cette méthode, succinctement décrite, influencée par de nouveaux savoirs et pratiques (case-work, groupe thérapeutique Rickman-Bion, centration sur le contre-transfert du médecin) est bien une extension de la méthode psychanalytique appliquée au groupe de formation.
Hommage à Alain de Mijolla (1933-2019)
Docteur en médecine, neuropsychiatre, psychanalyste, membre du Committee on Archives and History (ipa), Alain de Mijolla, né à Paris le 15 mai 1933, est décédé le 24 janvier 2019. Il a été inhumé au cimetière de Bagnolet, après une cérémonie funéraire aux Batignolles. Il est élevé par ses grands-parents, et son grand-père, « Papé », lui donne le goût de l’histoire. Après les années d’école primaire, il est un excellent élève au lycée Saint-Michel-de-Picpus, dans le 12e arrondissement de Paris. Ses études de médecine et de psychiatrie terminées, il est un temps médecin des hôpitaux psychiatriques.
Il se forme comme psychanalyste (avec Conrad Stein et supervision avec Denise Braunschweig), devient membre en 1968 et titulaire en 1975 de la Société psychanalytique de Paris (dont il démissionnera en 2007). Collègue cultivé, actif, habité de passions (histoire, musique, cinéma, théâtre, amitiés, bonne chaire), Alain de Mijolla laisse une œuvre analytique ainsi qu’une œuvre institutionnelle et éditoriale originales. Avec son collègue aixois Jacques Caïn, il organise de 1982 à 1993 les « Rencontres d’Aix », en Provence, débats autour d’un thème (par exemple, « Souffrance, plaisir et pensée », en 1982, « L’autobiographie » en 1987, « À la musique… » en 1991), qui se tiennent dans une petite chapelle fraîche, dans une atmosphère amicale, avec conférences et ateliers, dans la période du Festival de musique, ce qui permet le soir d’assister aux concerts.
En 1985, Alain de Mijolla fonde l’Association internationale d’histoire de la psychanalyse, dont il est le président jusqu’en 2011. Il sollicite tout analyste ayant témoigné par ses écrits de son intérêt pour l’Histoire, et, fédérateur, regroupe bientôt bon nombre de chercheurs, historiens, socio-politiciens, et bien sûr, traducteurs, écrivains, mais aussi amateurs intéressés. Son but : faire l’histoire de cette discipline, qui, bien qu’ébauchée par Freud, n’existe pas encore comme telle. Des champs de recherche sont proposés sur « l’histoire de la psychanalyse et de son fondateur », l’étude des découvertes, des biographies des proches et des disciples, l’histoire du mouvement depuis l’origine, ses développements, sa place dans les sciences. La création d’un Comité scientifique international et d’un petit noyau organisationnel : secrétariats scientifique, administratif, et les rédacteurs du petit Journal (biannuel en français et en anglais) font tourner cette nouvelle association.
Véritable aventure scientifique pour le président-fondateur et les collègues qui le suivent, en France – d’abord une poignée, qui se réunit rue de Grenelle, puis rue du Commandant-Mouchotte –, bientôt des dizaines de Sociétés psychanalytiques de par le monde ; des groupes de recherche se forment en France et dans plusieurs pays.
Tous les deux ans se tient, en période estivale, la « Rencontre internationale de l’aihp », où, chose rare, le temps de parole des orateurs est le même que celui de l’audience, ce qui permet un vrai débat. Ces rencontres se sont tenues à Paris, Vienne, Londres, Bruxelles, Berlin, Paris, Londres, Rome, Barcelone, Versailles, Athènes, etc. En 1996, afin de marquer le centenaire de la psychanalyse, la rencontre est organisée à Paris avec l’apf, le Quatrième Groupe et la spp.
Une revue annuelle, la Revue internationale d’histoire de la psychanalyse, d’un volume plutôt inattendu (de 460 à 746 pages) voit le jour, en 1988, aux Puf. Les travaux des Rencontres y sont publiés, recherches pointues comme « L’engagement sociopolitique des analystes », « L’édition de l’œuvre de Freud », « La formation des analystes », etc., ainsi que des conférences et travaux divers : compte-rendus d’ouvrages, d’évènements, ainsi que de nombreux documents inédits.
Durant un temps, Alain de Mijolla tient un Séminaire d’histoire de la psychanalyse à l’ehess, où beaucoup d’entre nous ont pu donner des communications.
Signalons également le tout premier colloque à Paris, en 1988, sur la Correspondance Freud-Ferenczi, co-organisé par l’aihp et Judith Dupont avec André Haynal, afin d’aider à la publication de cette correspondance unique. Nous avions tous travaillé à partir des Minutes des lettres de Freud et de Ferenczi, traduites, rédigées et… prêtées par Judith. Les communications sont parues dans les numéros 2 et 3 de la Revue.
Hélas, cette revue si précieuse, mais en échec commercial, doit arrêter de paraître après six énormes numéros.
Enfin, en 1995, Alain entreprend la rédaction du Dictionnaire international de psychanalyse, aidé par un comité éditorial composé de Sophie de Mijolla Mellor, Roger Perron et Bernard Golse, et des conseillers. Il est publié en deux volumes, chez Calmann-Lévy, en 2002 : concepts, notions, biographies, œuvres, évènements, institutions…, soient 1572 entrées, rédigées par 460 chercheurs internationaux. Ce Dictionnaire est traduit en plusieurs langues et réédité chez Hachette, avec de nouveaux ajouts, dont les entrées récentes, biographiques, de Nathalie Zaltzman et Jean-Paul Valabrega.
Si ce passionné d’histoire n’était pas un historien diplômé, il l’est devenu, en travaillant de manière « artisanale ». Infatigable chasseur d’archives, il traque les mythes et les erreurs écrites sur Freud, et se fait aider si besoin par des collègues formés à l’historiographie.
Dans notre propre analyse et dans l’écoute de nos patients et analysants, ne sommes-nous pas en quelque sorte continuellement dans les secrets de leurs histoires familiales et dans la grande Histoire également ? Ne nous formons-nous pas souvent d’abord « sur le tas » ? Après l’expérience du divan et sa propre recherche sur les identifications et les fantasmes d’identification, Alain de Mijolla continue à s’intéresser aux secrets de famille, qui se faufilent d’une génération à l’autre. Ainsi, son essai sur Arthur Rimbaud le lance dans l’historiographie : il commence par une enquête, via les nombreuses biographies écrites sur Rimbaud et reprenant sa généalogie, ainsi que le silence et l’absence du père dans la vie et les écrits du poète, fait l’hypothèse d’une identification inconsciente d’Arthur avec son père, le capitaine Frédéric Rimbaud, déserteur de l’armée (et du domicile familial alors qu’Arthur a 6 ans). Ses amis Nicolas Abraham et Maria Torok l’encouragent dans sa recherche, proche de la leur (sur le fantôme et la crypte). Mais Alain de Mijolla préfère le terme intergénérationnel à transgénérationnel (N. Abraham), trop près de l’occulte, de la transe qui omet le tiers transmetteur.
Essai remarquable, jouant sur l’évocation du film de Marcel Carné et Jacques Prévert (1942), où « l’occupant » du moi, chez A. Rimbaud, l’entraîne à sa perte. Cet essai lui vaut le prix Bouvet en 1976.
Directeur de la collection « Confluents psychanalytiques » aux Belles Lettres, il a aussi la responsabilité de la collection « Histoire de la psychanalyse » aux Puf et fait traduire des ouvrages importants : la Correspondance Freud-Jones, de P. Gay Un juif sans dieu, de Hirschmüller Josef Breuer ; de King et Steiner La controverse Anna Freud-Melanie Klein (1941-1945) ; de H. et M. Vermorel Sigmund Freud et Romain Rolland. D’autres ouvrages publiés dans cette collection : C. Lorin, Sándor Ferenczi. De la médecine à la psychanalyse ; R. Roussillon Du baquet de Messmer au « baquet « de Freud.
En 2004, Alain de Mijolla recevra le Sigourney Award pour son œuvre. Il donne ses archives à l’imec en 2014. Travailleur infatigable – et qui a fait travailler son équipe – A. de Mijolla semble avoir réussi dans toutes ses entreprises, sauf une : il regrettait disait-il son manque d’influence, pour cette nouvelle discipline, l’histoire de la psychanalyse, sur nombre de collègues analystes et surtout les universitaires…
Sa bibliographie : Pour une psychanalyse de l’alcoolisme, avec S.A. Shentoub (Payot, 1973) ; Les mots de Freud (Hachette, 1982) ; 100 Questions sur Freud (La Boétie, 1984) ; La psychanalyse, avec S. de Mijolla Mellor (Puf, 2008, 5e éd.) ; Fragments d’histoire (Puf, 2003) ; Préhistoires de famille (Puf, 2015) ; Freud et la France (Puf, 2010) ; La France et Freud, 2 tomes (Puf, 2013-2016) ; Sabina la « Juive » de Carl Jung (Pierre Guillaume de Roux, 2014) ; L’identification selon Freud. Une notion en devenir (In Press, 2017).
Accès au texte intégral (en anglais)
Premières lignes
Nous avons appris avec tristesse le décès, le 16 décembre 2016, à Albany (États-Unis), de John Balint, fils unique de Michael Balint (ex-Mihály Bergsmann) et d’Alice Székely Kovács. Il était né à Budapest le 11 février 1925, peu après le retour de ses parents partis à Berlin en 1921, sous le régime de l’amiral Horthy. À Berlin, son père travaillait dans un laboratoire de l’ig Farben et préparait un...
“Entretien avec Guite Guérin“, publié dans Le Bulletin de la Société Médicale Balint, juillet 2016.
Dans le cadre de cette table ronde, je souhaitais témoigner de l’influence de ce brillant élève de Freud, Ferenczi, et de ses élèves (Vilma Kovács, Balint en particulier) sur mes recherches, et également dans ma pratique quotidienne de psychanalyste dans les cures et la formation des analystes, ainsi que dans la formation des médecins en libéral et à l’hôpital par le groupe Balint.
Écouter les médecins pour leur apprendre à écouter les patients… telle a été l’une des préoccupations de Michael Balint qui, dès les années 1930, invectivait les médecins qui s’étaient laissé séduire par « l’esprit de laboratoire » à reprendre pied. C’est cette philosophie qui continue d’exister aujourd’hui au sein des groupes Balint : soutenir la subjectivité des professionnels, essayer de prendre en compte la complexité de la relation avec leur patient, les affects qu’ils ne parviennent pas à contrôler plutôt que de les évacuer…
A l’occasion du terme de la “première promotion des futurs leaders Balint, Michelle Moreau Ricaud interroge Roger Lagueux sur les principes de la formation à la base du Collège de Formation des Leaders Balint.
Il s’agit de la jeune expérience (3 ans) d’un groupe Balint dans un service de pneumologie de l’hôpital Saint Joseph Paris XIV, qui avait fait l’objet d’une communication à deux voix dans le colloque Psychisme et cancer organisé à La Salpêtrière en février 2014 par le Dr Françoise Bessis, Louise Lambrichs et l’association Psychisme et cancer.
Premières lignes
Ginette Raimbault est décédée le mercredi 17 février 2014. Sa dernière causerie à Espace analytique, aidée par Aldo Naouri, montrait déjà le début de cette maladie d’Alzheimer qui a obscurci la fin de vie de cette praticienne et chercheuse, à qui enfants, parents et soignants doivent beaucoup. En 1998, après quelques rencontres et un échange de lettres, Ginette Raimbault m’avait accordé un entretien...
Discussion de la conférence de Jean-Peuch Lestrade "Quand Oedipe rencontre Dibutade"
Cet article est paru dans "L'oeuvre d'art : un ailleurs familier - ACTES 3 - 2014"
Présentation de l'ouvrage en cliquant sur le lien.
Madeleine VERMOREL et Henri VERMOREL ont participé au grand mouvement de la seconde révolution psychiatrique qui prend son essor lors de la Libération de la France après la seconde guerre mondiale, avec la psychothérapie institutionnelle qui a contribué à transformer les asiles en lieux de soins articulés avec une politique de secteur extra-hospitalière. Psychanalystes, ils ont écrit de nombreux articles sur l'hystérie, la paranoïa et l'anorexie mentale et sur l'histoire de la psychanalyse (les ascendances romantiques de Freud et sa relation avec R. Rolland), œuvrant pour une psychanalyse ouverte sur l'autre, le monde et la culture.
1 article rédigé par Michèle Moreau-Ricaud
Le Dictionnaire universel des créatrices, première « encyclopédie » des femmes de cette ampleur, recense plus de 12000 créatrices à travers le monde, au cours de 40 siècles d’Histoire.
Connues ou méconnues, individuellement ou collectivement, elles ont marqué leur temps, ouvert des voies nouvelles, enrichi le monde, dans tous les domaines de l’activité humaine.
À la croisée de l’Histoire des femmes, de l’Histoire des idées et des civilisations, ce Dictionnaire constitue une source unique et incontournable de connaissances inédites. Son chantier d’étude couvre tous les continents, toutes les époques, tout le répertoire traditionnel des disciplines (artistiques, littéraires, philosophiques aussi bien que scientifiques) et il s’étend des sportives aux femmes politiques, en passant par les interprètes, les conteuses, les artisanes, fussent-elles anonymes.
Publié en trois volumes en novembre 2013, puis en e-book en 2015, il est aujourd’hui disponible en ligne et donc accessible partout dans le monde. Le nouveau portail qui lui est dédié, avec son moteur de recherche performant élaboré par Pythagoria, spécialiste de l’intelligence artificielle, en rend l’accès facile et intuitif. Son contenu est mis à jour en temps réel et enrichi en permanence de nouvelles entrées.
Plus de 120 directeur·trice·s de secteurs, personnalités de nombreux pays, reconnues dans leurs domaines de recherche. Près de 1 600 auteur·trice·s de tous les continents. 12 000 articles sur une créatrice ou sur un thème, une école, un mouvement ou une culture dans lesquels les femmes se sont illustrées.
Ce Dictionnaire des femmes créatrices est une œuvre qui fera date, par son ambition et sa volonté de mettre au jour les actrices de la création à travers l’histoire et le monde.
Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO
Outre 900 entrées définissant concepts et notions, ce dictionnaire présente les biographies des principaux psychanalystes, leurs oeuvres essentielles, les pays où la psychanalyse s'est développée, ses institutions, les événements marquants de son histoire. Au total, plus de 1500 entrées rédigées par 460 auteurs. Plus qu'un outil de travail spécialisé, cet ouvrage est un instrument de référence sur tout ce qui touche à la psychanalyse depuis ses origines. De conception internationale, le dictionnaire offre un vaste panorama de la psychanalyse, de ses acteurs et de ses problématiques les plus actuelles.
Outre 900 entrées définissant concepts et notions, ce dictionnaire présente les biographies des principaux psychanalystes, leurs oeuvres essentielles, les pays où la psychanalyse s'est développée, ses institutions, les événements marquants de son histoire. Au total, plus de 1500 entrées rédigées par 460 auteurs. Plus qu'un outil de travail spécialisé, cet ouvrage est un instrument de référence sur tout ce qui touche à la psychanalyse depuis ses origines. De conception internationale, le dictionnaire offre un vaste panorama de la psychanalyse, de ses acteurs et de ses problématiques les plus actuelles.
Lors de cette journée d’hommage à Jean-Paul Valabrega, nous brossons rapidement son portrait en tant qu’homme et résistant. Sa trajectoire analytique, qui va de la SPP au Quatrième Groupe, en fait une figure importante de l’histoire mouvementée de la psychanalyse en France. Nous avons choisi de mettre l’accent sur sa critique de la formation analytique rigide, dogmatique, transmise par l’API, dans la première société analytique française, à l’origine de scissions et de fragmentation de la psychanalyse en France. Si l’exigence de l’analyse de l’analyste a été acceptée par tous, revisitant et réévaluant la notion de la « didactique », nécessairement bricolée au début de XXème siècle, nous comprenons mieux la contribution de J.-P. Valabrega à la formation analytique par sa théorie du contrôle analytique, l’ »analyse quatrième », renouant avec l’esprit de libération à la source de l’invention freudienne.
Présentation de l'ouvrage en cliquant sur le lien.
RÉSUMÉ
Une relecture du cas « Dora » – avec, à la fois les avancées théoriques et techniques freudiennes et l’après-coup de la cure, mais aussi les critiques d’analystes contemporains, ainsi que les apports récents d’historiens de la psychanalyse – nous permet de comprendre les causes de l’échec de Freud et de rétablir l’identité et le devenir d’Ida Bauer.
Si le transfert, puis le contre-transfert ont été découverts à quelques années de distance par Freud, puis compris comme phénomène inhérent à l’expérience psychanalytique, on assiste à leur reconnaissance juridique par le biais de la réglementation des psychothérapies. Mais le métier d’analyste est également porteur de risques pour celui qui l’exerce. Son implication émotionnelle dans la cure le rend vulnérable, parfois «sous influence»; le psychanalyste peut en être passagèrement «malade» et la formation continue des analystes est une nécessité.
La réception de cet ouvrage est une énigme : ce livre n’aurait-il pas eu paradoxalement d’écho dans ce second pays de la psychanalyse ? En effet, la publication de cet ouvrage princeps a pris des années et n’a finalement été réalisée qu’en 1935, alors que d’autres écrits l’ont été plus tôt. En prenant comme source : les neuf préfaces que Freud a rédigées pour ces rééditions successives, la correspondance Freud-Ferenczi et la préface de Balint à l’œuvre complète de Ferenczi, nous essayons de comprendre le retard étonnant de la publication de cet ouvrage. Un grand nombre de difficultés et d’obstacles nous sont apparus : la résistance interne de Ferenczi, puis celle du traducteur, Hollós, celle des éditeurs et enfin le manque d’argent. J’ajouterais une hypothèse : celle de la concurrence éditoriale de cet « enfant-rêve » avec les grands écrivains, Bàbits, et Krúdy, versés eux aussi dans les rêves.
Si Freud et ses premiers collègues pratiquent librement en Autriche le nouveau traitement inventé par Freud pour soigner les patients névrosés et autres, la «psycho-analyse», une plainte juridique d’un patient contre son analyste, Theodor Reik, va instruire un procès pour exercice illégal de la médecine, procès qui n’aura finalement pas lieu. Mais Reik, un érudit de formation psychologique et littéraire, analysé par Abraham, se verra interdit de pratiquer la psychanalyse en Autriche. Le statut de la psychanalyse est alors posé. Freud va défendre Reik et la psychanalyse profane, laïque, par un essai remarquable, publié en 1926, La question de l’analyse profane. Désormais hors de la médecine, la psychanalyse sera néanmoins de nouveau attaquée en France et fera l’objet dans les années cinquante de plusieurs procès à la demande de l’ordre des médecins contre des psychanalystes non-médecins. Aujourd’hui la question de son statut est reposée indirectement par les législateurs qui, sous le couvert de la défense de l’usager, veulent régler la question des psychothérapies. La psychanalyse restera-t-elle une méthode ou bien deviendra-t-elle une profession?
Interlignes
Compte-rendu de livre
Martin WINCKLER Les Brutes en blanc, Paris, Flammarion, 2016, 248 p
Par Michelle Moreau Ricaud
Bulletin de la Société Médicale Balint, Paris, Oct 2017
Contrairement à la boutade d’Oscar Wilde - « Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique : on se laisse tellement influencer » - ! j’ai lu la dernière publication de M. Winckler…
Auteur de plusieurs romans, d’essais, de chroniques et d’un Site : Winckler’s Webzine, un temps Rédacteur à la revue Prescrire, l’auteur s’est surtout fait (re) connaître pour l’excellent La Maladie de Sachs, POL 1998. Bruno Sachs, double de l’auteur, médecin, personnage déjà présent dans deux romans précédents, Trois médecins et La Vocation, nous est présenté par les proches en courts monologues alors que lui-même écrit sur ses patients.
Le film que Michel et Rosalinde Deville ont tourné en 1999, à partir de ce roman document, La Maladie de Sachs, montre de façon saisissante comment ce médecin doit avoir la tête à tout… jusqu‘à la perdre !
M.Winckler nous livre cette fois, avec ce tableau de « la maltraitance médicale en France », comme l’indique son sous-titre, un véritable brûlot contre les médecins (mais les psychanalystes sont loin d’être exemptés).
Rappelons, pour nos collègues de la Société Médicale Balint, que Martin Winckler est le pseudonyme de Marc Zaffran, ancien étudiant tourangeau, devenu médecin généraliste, ayant exercé en pratique libérale et à l’hôpital de Pithiviers de 1983 à 2008. En retraite précoce depuis cette date, il a émigré au Canada, où il participe à la recherche sur la formation du médecin à l’université de Mac Gill, à Montréal, et à Ottawa.
La violence du titre de ce livre est-elle justifiée ?
Ce titre, sur la première de couverture, est à peine atténuée par le sous- titre à l’intérieur du livre : La maltraitance médicale en France. Effet de bombe.
Disons tout d’abord qu’il faut bien reconnaître qu’il y a de plus en plus de plaintes de patients au moment où la santé est à l’ordre du jour avec la réforme de Marisol Touraine et la loi de santé. En dépit de la déontologie médicale, les faits de maltraitance de patients par certains médecins sont avérés. L’auteur, quant à lui, dénonce tout un tableau de brutalités exercées par les médecins : abus de pouvoir sur les patients, relations abusives avec parfois gestes déplacés ou même viols (p 126), insultes, menaces, refus de recevoir des patients qui sont au CMU, dépassements d’honoraires, moqueries, mépris, condescendance, négligences, etc.
Dès le lendemain de la publication et sans l’avoir lu (?), l’Ordre des médecins, dans une réponse immédiate étonnante - alors qu’il laisse trop souvent, et pendant des années, des pratiques dévergondées impunies - a taxé ce livre de caricature. Il précise que les patients, en très grande majorité, « font confiance à leurs médecins ».
Faut-il s’étonner que la profession médicale, ancrée mythologiquement dans le « sacré », avec Asclépios, Hygée et Panacée, soit tant décriée de nos jours ? Certes Molière ne l’avait pas épargnée, avec Le Médecin malgré lui et Le Médecin volant, ni Jules Romains dans Knock ou le triomphe de la médecine. Mais cette fois, nous ne sommes plus dans la comédie...
« Pourquoi y a-t-il tant de médecins maltraitants ? » Cette question est celle du bandeau du livre. Si elle est pertinente, faut-il en chercher les raisons dans les études médicales ? Dans la troisième partie Winckler évoque « l’enseignement maltraitant », leslacunes de l’esprit critique, la caste médicale, les chapelles, les conflits d’intérêt, le pouvoir (politique compris), les collusions avec les laboratoires, les « inventeurs de maladie » (Jôrg Blech), le déni des émotions, etc.
Je me demandais si l’esprit carabin ne subsistait pas chez certains des médecins incriminés… Ne commencent-ils pas à se dé-former dans les bizutages que subissent les étudiants post concours de la première année, illégaux mais toujours d’actualité, qui inaugurent leur entrée dans les études médicales proprement dites ? Ces séquences d’humiliation sont-elles spécifiques à cette profession ? Elles n’aident certainement pas à développer une empathie envers les patients, lors des premières rencontres avec eux ; les identifications aux aînés maltraitants, ainsi que les mécanismes de défense contre la souffrance, les maladies, la mort, pourtant nécessaires à la pratique clinque pour « tenir bon », pourraient-elles induire indifférence, cynisme, voire arrogance ?
L’auteur nous confie comment, selon lui, pendant ses études, il a pu échapper aux « mauvais patrons » auxquels s’identifient les étudiants, reproduisant à leur tour l’attitude hautaine dès lors qu’ils deviennent eux-mêmes médecins. Il a rencontré, dit-il, de « bons patrons » qui l’ont influencé, et beaucoup de patientes (en gynécologie, lors de prescriptions de contraception). Celles-ci l’ont-elles « civilisé », empêché d’être un médecin brutal ? Les échanges avec des collègues étrangers et, dès 1985, en fréquentant un groupe Balint auraient fait le reste ? Voici ce qu’il en dit : « J’ai eu de la chance, des collègues médecins et psychologues ainsi que la pratique des groupes Balint m’ont aidé à comprendre ce qui, dans les traits de ma personnalité, me rendait sensible aux arguments des patients… et me poussait de mon côté à me méfier et à douter de ce que le patient disait. Pour me protéger. » (p.85). Il a pu ainsi apprendre à considérer le patient et à l’écouter. Il cite l’ouvrage de Michael Balint, psychanalyste hongrois émigré en janvier 1939 en Grande-Bretagne Le Médecin, le Malade, la Maladie, écrit en 1957, et traduit dès 1960 par Jean-Paul Valabrega (non cité ; la note est à corriger p 290) qui travaillait sur La relation thérapeutique au CNRS.
Avec la référence de ces deux psychanalystes intéressés par cette extension de la pensée freudienne à la médecine à des titres divers, nous sommes bien loin de ce médecin de fiction, l’insupportable Dr House de la série américaine télévisée, que vous connaissez tous, et citée par l’auteur. Pour Gregory House, médecin hospitalier de médecine interne, point n’est besoin, sauf exception, de voir le patient, suivi par les médecins et infirmières de son service : le dossier suffit. Véritable machine à diagnostiquer, il est savant, sûr, ne cherche à découvrir que l’énigme de la maladie ; ou plutôt c‘est la vérité diagnostique et non celle de l’être malade qu’il recherche. Pourquoi perdre du temps à rencontrer le patient ? Il le dit à son équipe : « Everybody lies », tout le monde ment. Le patient ment et le médecin aussi d’ailleurs.
Au long du livre d’autres pratiques médicales sont dénoncées : la prévention (parfois maltraitante en cancérologie, exemples à l’appui), la « supercherie » du cholestérol, les campagnes de dépistage du cancer de la prostate, le traitement de l’infertilité, la violence des annonces des maladies. Choix médicaux ou dérives connues pour le bien du malade, ne sont-elles pas des formes d’acharnements thérapeutiques ?
Notons que Marc Zafran s’était formé dans le groupe Balint que le Dr Pierre Bernarchon avait conduit pendant plusieurs années au Mans, (et à sa mort repris par Simone Cohen-Léon). Il a dû le quitter car il n’exerçait plus. Il avait également été notre invité à un congrès de la S.M.B, tenu à Pau. Winckler ferait-il alors la leçon à ses collègues (malgré la toute première phrase de son avertissement ?). L’auteur renvoie ses confrères au Code de déontologie, dont il rappelle les articles les plus importants, estimant que certains l’« enfreignent sans vergogne trahissant la confiance que leur accordent la plupart des patients, manquent à leurs obligations professionnelles et violent les lois de la République » (p.52)
En fin d’ouvrage, un chapitre intitulé « Que faire face à la maltraitance médicale ? » s’adresse aux patients. L’auteur leur donne une dizaine de conseils pédagogiques, pragmatiques, dans la visée comportementaliste, de choses à faire lors de la consultation, afin qu’ils puissent exercer leurs droits de patients jusqu’au dépôt de plainte, si nécessaire, non à l’Ordre des médecins, mais au pénal.
Une meilleure formation des médecins nous paraît être une des solutions. L’introduction des Sciences humaines en médecine fera-t-elle changer les choses ? On a vu en septembre 2016, à notre 42ème Congrès de la S.M.B., tenu à Bobigny, l’introduction, commencée là en 1968, grâce au Professeur Pierre Cornillot ouvrant les études médicales aux médecines alternatives, mais également aux groupes de paroles ou aux groupes Balint. Sa rencontre avec Edgar Faure alors ministre des universités avait favorisé cette ouverture, restée encore trop timide dans les autres UFR. Peut-on espérer que sciences humaines et groupes Balint pourront sensibiliser à la relation, au dialogue ? La formation - recherche, le « training cum research » de Balint, avec présentation de cas, devant des collègues et des psychanalystes pourraient compléter le savoir par un apprentissage d’un savoir-faire.
Revenons une fois encore sur le titre, évoquant, en négatif, la fameuse série Les Hommes en blanc de ce médecin du Sud-Ouest, le Dr André Soubiran. Nombre de futurs étudiants en médecine l’ont dévoré et ont été, peut-être, soutenus dans leur vocation par cette lecture. L’éditeur et l’auteur escomptent- ils un pareil succès pour le livre de Winckler ?
A ma demande à Flammarion au sujet d’une présentation du livre en présence de l’auteur, lors de son séjour à Paris ce mois d’octobre 2016, la réponse négative laisse beaucoup de questions sans réponse :
-n’y a-t-il pas, chez l’auteur, un culte un peu naïf des médecins anglo-saxons, canadiens et américains notamment ?
-ce livre a-t-il été écrit pour le grand public ? pour les patients ?
-les médecins français seront-ils curieux de lire le procès qu’il leur est fait, cette fois par l’un des leurs, afin de réfléchir à leur style de médecin et de l’améliorer ?
-n’y a-t-il pas, enfin, le risque de discréditer à l’avance tout médecin et de ruiner ainsi « l’attente croyante », confiante envers les médecins ?
-risque-t-il également de provoquer une recrudescence d‘agressivité et d’agressions verbales et physiques envers les soignants et médecins ?
-enfin, un autre danger ne serait-il pas de judiciariser, à l’américaine, les malentendus, différents et erreurs entre médecins et patients ?
Un regret : la formation dans les UFR de médecine (parfois embryonnaire) est passée sous silence et la formation médicale continue n’est nulle part envisagée ; point d’adresse non plus de la Société Médicale Balint, fondée en 1957 à Paris, par quelques jeunes médecins qui s’initiaient au groupe Balint.
Malgré ces quelques critiques et son ton, ce livre serait néanmoins à lire par tous les personnels soignant et pourrait alimenter un débat qui ne manquerait pas d’être fructueux. Faudrait-il alors, dire, avec Sade et …Winckler : « Français encore un effort si… » si vous voulez former de bons médecins !
Michelle Moreau Ricaud
Jean-Pierre CHARTIER (1945-2015)
Mes remerciements à Klio BOURNOVA et Dana CASTRO pour votre invitation à participer à cette journée en hommage à Jean-Pierre.
Le dernier Bulletin du Quatrième groupe a publié la notice biographique où je retraçais son trajet, je voudrais compléter ici sa filiation analytique et influences diverses et évoquer deux ou trois de ses travaux.
Jean-Pierre était devenu psychanalyste, membre du Quatrième Groupe, après son analyse avec Robert LEFORT et une « analyse quatrième » avec Piera AULAGNIER. Je rappelle que LEFORT, pédopsychiatre, élève de LACAN, membre de l’École Freudienne jusqu’en 1981, avait fondé (avec sa femme Rosine et Maud MANNONI) l’École expérimentale de Bonneuil, dans le mouvement post 68, anti-médical, anti-psychiatrique, pro-psychanalytique et psychothérapie institutionnelle. Cette « école éclatée » prenait en soin des enfants autistes, des ados psychotiques, en les considérant comme des sujets. Quant à Piera, elle était l’un des trois fondateurs du Quatrième Groupe avec PERRIER et VALABREGA, après leur rupture avec LACAN en 1969.
D’abord « participant », puis « Analyste Membre du Quatrième Groupe » (il disait « titulaire ») fin des années 80, il y a dirigé pendant de nombreuses années un groupe de travail intitulé « Lecture de FREUD ; étude des concepts analytiques », qu’il menait sur un cycle d’une durée de deux ans. Les analystes qui ont travaillé dans son groupe pourront témoigner de ses qualités de formateur... (1)
Notre amitié remonte à l’arrivée de Jean-Pierre dans notre Organisation Psychanalytique de Langue Française (nom complet du IVème Groupe). Ce qui nous avait rapprochés – outre la psychanalyse et particulièrement l’École de Budapest : FERENCZI et BALINT - était le choix de nos premiers terrains cliniques. Jean-Pierre travaillait en psychiatrie, un temps avec le Dr Lucien BONNAFÉ (1912-2004) - un pilier du mouvement de psychothérapie institutionnelle né avec François TOSQUELLES, catalan réfugié (1912-1994) à Saint-Alban, au fin fond de la Lozère - et j’étais psychologue à La Chesnaie (près de Blois), l’une des trois cliniques de psychothérapie institutionnelle du Loir & Cher, dirigée par le Dr Claude JEANGIRARD.
Jean-Pierre avait rejoint l’éducation surveillée et s’était engagé dans la prise en charge de jeunes personnes très difficiles - adolescents délinquants et marginaux, ces “incasables”, que personne ni aucun établissement de soins ne voulait ou ne pouvait garder. Il a alors l’idée de créer pour eux un service de soins à domicile avec Laetitia VIOLET-CHARTIER, médecin psychiatre des hôpitaux, consultante à la Protection Judiciaire de la Jeunesse et Analyste Membre du Quatrième groupe (2). Ils créent « la Sablière », dans le XIVème, aidant ainsi également la famille de ces ados intraitables, en rupture répétitive avec les institutions éducatives. Il rappelait, lors d’une table ronde d’un colloque avec des éducateurs : “Je suis le premier à avoir utilisé le mot « incasable » - mais il ne veut rien dire sur le plan sémiologique. Je l'avais utilisé pour désigner des jeunes dont personne ne voulait. Quand j'ai demandé la création d'un service de soins à domicile pour ces jeunes, on m'a dit que c'était réservé à des handicapés physiques et mentaux. J'ai dit : « montrez-moi où c'est écrit que ce n'est pas pour eux ? » ; on m'a répondu : « vous avez raison, ce n’est écrit nulle part »... et j'ai pu ouvrir le service. »
Il précisait [...] « Ces sujets sont dans le déni de la responsabilité de leurs actes, c'est profond, structural, chez eux, le déni de leur implication : c'est toujours « les autres ». Déni des conséquences de leurs actes : ils n'anticipent jamais – et ce n'est pas une question d'intelligence. [...] (Il citait la carrière de MESRINE) Ils n'ont pas de culpabilité liée à l'acte, mais ils sont capables de culpabilité relationnelle.
Il groupait ce déni de l’acte, le déni des conséquences avec le défi (les 3D) comme caractéristiques de ces marginaux violents qui nécessitaient une prise en charge différente de la méthode analytique. C’est un engagement personnel de l’analyste, en tant que personne, s’exposant lui-même, pratiquant une « réanimation psychique », voire de la « réinjection du psychique », afin de les sortir de leurs agirs divers. Certes l’absence de la mère, ainsi que l’absence des interdits fondamentaux (inceste, meurtre) qui rendent humain, se retrouvent souvent chez les patients dits « psychotiques » ; cependant ces ados ne sont pas fous. Ainsi, comme Fernand DELIGNY le conseillait dès la fin de la guerre 39-45, entre éducation et psychothérapie, Jean-Pierre cultivait cette Graine de crapule, prenant soin de ces enfants perdus, paumés.
Sa recherche l’a amenée tout logiquement de ces ados à leurs parents – « parents martyrs » - désorientés par la violence de leurs enfants…(3). Il avait créé des liens avec l’Ecole d’éducateurs de MONTRÉAL et une association entre Psycho-Prat et École de criminologie de l’Université de MONTRÉAL ; nous nous sommes rencontrés dans cette ville, l’année où il était venu avec Daniel WILDLOCHER pour donner des conférences (4).
Jean-Pierre, engagé dans plusieurs champs thérapeutiques, l’était également dans celui de l’écriture, comme en témoigne sa bibliographie, que l’on peut consulter sur le Site du Quatrième Groupe. Je retiendrai, écrit avant Les parents martyrs : Délinquants et psychanalyse (1986), L’adolescent incasable. Bourreau ou martyr (1991), Les ados difficiles (1994), Introduction à la pensée freudienne (1997), L’adolescent, le psychanalyste et l’institution (1998) - au titre très Balintien -, Guérir après Freud (2003), Introduction à la technique psychanalytique (2005), Les transgressions adolescentes (2010). Il a publié plusieurs d’articles dans Topique et a également participé au Dictionnaire International de Psychanalyse d’Alain de MIJOLLA.
Permettez-moi quelques souvenirs plus personnels.
- À l’une des assemblées générales du Quatrième Groupe, qui se tenait dans le luxueux Pré Catelan et où, cette année-là, nous n’étions que deux participants et hésitions à interrompre la réunion des membres qui se tenait juste avant et qui n’en finissait plus, c’est un Corragio Casimiro mutuel qui nous a fait entrer !
- Nous apprécions son côté joyeux, joueur, spontané, culoté même : pourtant j’eus quelques inquiétudes, lors de sa première conférence donnée dans notre groupe où il relatait la prise en charge d’un jeune loulou - avec dialogue rapporté - Jean-Pierre voulait le terroriser en conduisant sa voiture à un train d’enfer – observation qui différait tant de la psychothérapie analytique classique…
C’était un collègue généreux. Voici quelques exemples :
- Il prêtait volontiers les salles de l’EPP : nous avons ainsi tenu, chez vous, des réunions du Quatrième Groupe et de l’AIHP. !
- Alors que la traduction de l’ouvrage Jeunesse à l’abandon d’August AICHHORN - autre inspirateur pour Jean-Pierre – n’était toujours pas réédité, c’est auprès de Jean-Pierre que l’on pouvait obtenir une photocopie, en toute illégalité.
- Un temps proche du Journal des Psychologues, il m’avait interrogée sur mon ouvrage sur Balint et l’École de Budapest. Cela me rappelle un souvenir plus ancien, montrant son côté parfois – il faut le dire - un peu « tête en l’air » : Il m’avait invitée à la présentation de Cure d’ennui, qui devait être suivie d’une séance de dédicaces, à Lyon, dans une jolie petite librairie de la place Bellecour. Or les visiteurs entraient et ressortaient après un temps assez bref, sauf Jean-Jacques Ritz qui prenait des photos. Il se passait quelque chose. On a su bientôt que se tenait, juste à côté, une réunion politique (avec Raymond BARRE) ! Il n’y avait plus qu’à fermer boutique et aller dîner : une vraie soirée catastrophique pour mon livre, mais nous en avons ri des années après !
Dans la même vague, volontaire cette fois, il s’amuse à publier Freudaines, (5) - au titre jeu de mot - prenant le modèle de l’exhumation récente de travaux freudiens trouvés au fond d’une malle appartenant à BALINT. Le titre nous avertit que les 11 lettres retrouvées de FREUD sont de son invention. A la manière du fondateur, il écrit à quelques figures emblématiques du milieu psychanalytique, au camarade SILBERSTEIN, aux professeurs Th. MEYNERT et E. BLEULER, à Lou Andréa SALOMÉ à S. FERENCZI, à C. JUNG, à A. AICHHORN, au trio de Berlin : K. ABRAHAM, M. EITINGON, et E. SIMMEL, à R. LAFORGUE, à E. JONES et enfin à Marie BONAPARTE. Mêlant l’ancien temps et le nouveau, c’est un FREUD insolent faisant le point, avec ses correspondants, sur la situation préoccupante de la psychanalyse en 2005 (!) écorchant au passage les lacaniens et leurs jeux de mots, [sans toucher néanmoins au vestige « costume et nœud papillon » que Jean-Pierre affectionnait] ; les neuro-scientifiques purs et durs, censés seuls pratiquer « Lascience », (en un mot) et jusqu’aux politiques français présentant « un projet pour permettre aux médecins d’être reconnus ipso facto comme psychothérapeutes » [ceci une bonne dizaine d’années avant ce statut]. Des jeux de mots (dont certains empruntés à LACAN lui-même se moquant de son institution : « la colle freudienne», des blagues du type : quelle est la différence entre la DS (mythique) et le DSM ? « L’une a fait avancer l’automobile et l’autre a fait reculer la psychiatrie ». Il nous propose même une saynète que nous pourrions jouer dans certains colloques où l’on s’ennuie, et dont le script, beaucoup plus court que le fameux Scénario FREUD de SARTRE, aurait eu les faveurs de John HUSTON.
Certes un peu dangereux si l’on se souvient d’un faux lancé par un historien de la psychanalyse Peter GAY (avant qu’il ne devienne psychanalyste). Un chercheur américain avait pris au sérieux la nouvelle que - contrairement à l’opinion répandue, L’interprétation des rêves de FREUD avait fait l’objet d’une recension dans un journal médical d’Australie – et avait inclus cette donnée dans sa thèse ! Peter SWALES avait pris l’AIHP en haine parce que nous avions rapporté cela dans un article rappelant la nécessité de vérifier les sources.
Quand le malaise est grand dans le milieu analytique, on peut avoir la tentation de régresser à des jeux d’adolescents, et se moquer de soi et de ses collègues. C’est à quoi se livre Jean-Pierre dans ce petit livre, avec humour, cette « jouissance supérieure » (FREUD 1927) (6). Néanmoins Jean-Pierre ne se contente pas du fictif, qu’il entremêle à l’Histoire : il est bien documenté sur l’histoire des disciplines : psychiatrie, psychologie, psychanalyse. Une seule erreur … (étonnante d’ailleurs !)
Ce retour de FREUD ou ces Mémoires d’outre-tombe font appel au fantasme, à l’ambition de tout chercheur, rêvant de découvrir au fond d’un placard, ou dans les archives des Bibliothèques Nationales, un trésor : document ou manuscrit inédit. Parfois ce rêve se réalise. Sinon le chercheur y renonce difficilement et peut avoir la tentation de le construire. S’il n’a pas d’éthique, il peut se livrer à du plagiat, un faux en écriture, à un pillage de texte non édité, sans faire référence à l’auteur. Bref, autant de vilénies qui se sont déjà produites dans l’Histoire. Ou bien, il peut prendre le registre du jeu : le chercheur qui piétine peut trouver une issue, paradoxalement sublimatoire, du côté du gag, de l’humour. Ou encore un témoin peut essayer de désamorcer notre angoisse de chercheur en nous proposant cette même issue ludique.
Un souvenir personnel : il y a quelques 25 ans alors que je séchais sur ma thèse faute de trouver une théorisation terminée chez FREUD sur le traumatisme, Jean-Paul VALABREGA m’avait proposé d’écrire un faux Freud sur la question, boutade qui eut un effet immédiat de libération !
Cet exercice de style où le principe de plaisir court le long du texte est à lire : son humour a gouté celui de RABELAIS, d’ANZIEU (Contes à rebours), de MIJOLLA (Les mots de FREUD), etc., et même à Johnny, dont il reprend le titre d’une chanson - auteurs d’ailleurs remerciés - laissant imaginer le petit garçon insolent - le p’tit Quinquin - qui sommeille encore, comme nous le montre sa pique sur le maître de la linguistique, SAUSSURE, orthographié « SOT-SUR ».
L’humour, nous dit FREUD, n’est pas résignation mais rébellion.
Il y avait de cela chez Jean-Pierre.
Michelle MOREAU-RICAUD
1 – Gyslain LÉVY et Marc BONNET m’ont envoyé un mail, Jean-Jacques RITZ n’a pas pu venir non plus. Et plusieurs membres et participants ont annoncés leur venue.
2 - Participante dans les années soixante-dix, membre en 1981.
3 - Un autre livre en rend compte : Les parents martyrs, toujours d’actualité.
4 - Il a donné des conférences dans nombre d’autres pays.
5 - Freudaines, Paris, DUNOD, 2005 cf ma recension, Bulletin du IVème Groupe
6 - Seules erreurs (incompréhensibles de sa part, car déjà corrigées dans l’historiographie psychanalytique) : la phrase de Freud sur la Gestapo et la trouvaille de son douzième essai métapsychologique publié chez Gallimard par I. GRUBICH-SIMITIS. Ce n’est pas dans la maison de Freud que cet essai, envoyé à FERENCZI, se trouvait, mais dans une malle chez Michael BALINT, précieux archiviste et passeur de théories, qui nous a rendu (et continué) l’œuvre de FERENCZI.
André BOLZINGER
Ne pouvant être avec vous pour cette journée pendant laquelle vous aborderez ses travaux, je voudrais simplement partager avec vous mon amitié avec cet homme d’une grande culture. J’ai retrouvé André - d’abord rencontré à Grenoble – à Paris, dans feue l’Association Internationale d’Histoire de la Psychanalyse, fondée en 1985 par Alain de MILOLLA. En effet, André a commencé à s’intéresser à l’Histoire de notre discipline à la fin des années 80 ; rédacteur au Bulletin de Psychologie de La Sorbonne, il publie en 1985 Histoire et mémoire. À propos du Colloque du collège des psychanalystes- (collège fondé en 1980 et disparu) - mais ses travaux publiés se sont suivis de manière très dense dès les années 2000. Il en a présenté quelques-uns dans le séminaire d’Alain de MIJOLLA à l’E.H.E.S.S., travaux qui témoignaient toujours de ses qualités de psychanalyste historien, qu’il s’agisse de l’histoire tirée de la médecine militaire (étude de la nostalgie) ou de Freud et de la psychanalyse. Comme chercheur, André dépouillait toutes les sources, et ses citations de Freud étaient retraduites – en germaniste scrupuleux ; sa connaissance intime de la langue allemande lui permettait de corriger les erreurs de traduction, donc parfois les contre-sens qui circulent …
S’il était sévère envers certains ouvrages jugés « insuffisants », dont il étrillait l’auteur sans merci, il était également critique dans notre cercle. Et il s’avérait être un débatteur redoutable. J’ai encore le souvenir vif de l’avoir éprouvé lors d’une conférence sur le poitevin René MORICHAU–BEAUCHANT, dans les années 90 à l’E.H.E.S.S.. J’avais repris quelques maigres sources, puis enquêté auprès de ses deux enfants survivants, enfin scruté sa bibliothèque donnée/prêtée à Foucault, que Daniel DEFERT m’avait aimablement ouverte : tous mes apports avaient été passés au crible – aidé en cela par Alain de MIJOLLA, d’ailleurs ! – Cependant André pouvait aussi reconnaître que parfois ses critiques étaient infondées…
Il était un invité très apprécié du séminaire d’histoire de la psychanalyse que j’ai tenu au Quatrième Groupe, où il est venu présenter plusieurs fois ses travaux : Arcanes de la psychose ; Histoire de la nostalgie. Et nous échangions nos livres.
Dernièrement, je lui ai envoyé une courte communication (donnée à Vienne au colloque organisé par Céline Masson et le groupe « PANDORA » sur l’hystérie au XIX e siècle) - communication reprise à Paris lors du colloque de l’Association Psychanalyse et Médecine : Folies à la Salpêtrière. Charcot, Freud, Lacan : j’y ai tenu compte de ses remarques, insistant sur l’influence non seulement de l’hypnose, mais également de la neurologie sur le jeune stagiaire FREUD, lors de voyage d’études de six mois chez Charcot, et, bien sûr, j’ai cité André.
Il était un compagnon de travail efficace et amical.
Michelle MOREAU-RICAUD, Octobre 2015
Nicolas GOUGOULIS a souhaité s’associer à mes souvenirs :
J'ai connu André BOLZINGER dans le cadre du travail de l'AIHP. Il se passionnait pour l'histoire et même l'archéologie de l'histoire de la psychanalyse d'où son travail qui a contribué à mieux nous faire connaître les origines de la pensée de Freud et les premiers retentissements de ses travaux. Il contribuait ainsi à une idée de la recherche historique qui rend une dimension humaine à nos ancêtres "héroïques". Il m'avait fait l'amitié de me confier la présentation de ses livres lors de soirées de nos sociétés savantes et j'ai eu ainsi l'occasion de mieux la connaître. Son travail, son originalité et son éthique de recherche vont nous manquer.
Nicolas GOUGOULIS, novembre 2015
Hommage à Marie-Claude Fusco
Notre collègue Marie-Claude Fusco, naît Barbier, le 2 Octobre 1929, dans une famille originaire du Morvan, bourgeoise et catholique. La fratrie comprend trois filles et un garçon. Adolescente, elle rejoint le mouvement scout, et devient cheftaine. Après ses études secondaires, elle fait des études de psychologie à La Sorbonne à Paris.
Son mariage avec Mario Fusco, professeur d’italien, la fait vivre en Italie, de 1956 à 1964, d’abord à Naples puis à Milan, où son mari enseigne et devient traducteur (Italo Calvino, Leonardo Sciascia et Elsa Morante). Ils ont 2 enfants, un fils, Emmanuel, et une fille Dominique. De retour en France en 1964, pendant cette période mouvementée de la deuxième scission de l’histoire de la psychanalyse, où la SFP se défait et se scinde en APF et École Freudienne (Lacan). Puis les évènements de 68.
Elle travaille d’abord un an comme psychologue auprès d’enfants ; en 1969 elle est recrutée au Dispensaire de la rue Tiphaine, comme psychologue vacataire, et y travaille jusqu’à sa retraite en 1994. Elle a rencontré Victor Smirnoff (APF) dans le cercle d’amis de Nathalie Zalztman.
C’est avec J. P. Valabrega (qui vient avec Piera Aulagnier et Perrier de se séparer de Lacan pour former le Quatrième Groupe) qu’elle va faire une analyse. Elle rejoint ensuite le Quatrième groupe. Je me souviens, avec les plus anciens, de son arrivée fin des années 75. Elle va occuper bientôt différents postes, notamment celui du secrétariat psychanalytique (deux mandats : 1981-1984 et 2000-2002), puis de Vice -Présidente (1987-1988 et 2007-2009), et de Présidente (1988-1989et1995-1996). Elle a co-dirigé avec V. Smirnoff un groupe de travail commun avec le Quatrième Groupe dans le dispensaire dirigé par V. Smirnoff, dans lequel J.C. Stoloff et moi avons participé début des années 80, sur la théorie de Lacan.
Au Quatrième Groupe elle a dirigé d’autres groupes de travail, elle a continué le dernier, sur « La sexualité infantile » alors qu’elle était déjà malade avant son opération.
Elle a écrit une dizaine d’articles, dont un avec V. Smirnoff et un autre avec J. Morisi (cf. le Site). Je me centrerai sur ces deux-là, pour leur intérêt engagé et toujours actuel dans cette période de crise. « La psychothérapie analytique : modulation ou déviance de la psychanalyse », 1989, Topique 44, article à contre-courant de l’opinion, alors répandue par les lacaniens, de l’écart entre la psychanalyse et la psychothérapie et d’une certaine dévalorisation, voire mépris pour ce parent pauvre : la psychothérapie analytique. Leur position montre combien cet exercice, au contraire, peut-être plus compliqué que la cure analytique et nécessite d’être psychanalyste.
Le deuxième, « De la consultation d’hygiène mentale de la Seine (OPHS) au département de psychothérapie : le centre Victor Smirnoff », co-écrit avec son amie Jacqueline Morisi reprend la communication que j’avais sollicitée pour un colloque, co-organisé avec Nicolas Gougoulis (SPP) au sein de la feue AIHP, et, à défaut de Topique, amicalement publié par Judith Dupont (Le Coq- Héron 2010, n° 201), intitulé « Histoire de a fondation des dispensaires psychanalytiques ». Avec son amie Jacqueline Morisi (présente dès le début de la création du dispensaire au côté de Smirnoff), elles rapportent comment cette aventure post - guerre a été rendu possible grâce au rôle clé du Dr Henri Duchêne dans l’orientation psychanalytique des services. H. Duchêne tait psychiatre responsable du Service d’Hygiène Mentale de la Seine et proche du noyau de ces psychiatres militants qui ont pensé la politique du secteur psychiatrique et la psychothérapie institutionnelle, Bonnafé, Tosquelles, etc. Sa rencontre avec le Dr V. Smirnoff, qui avait l’expérience de la Guidance infantile anglo-saxonne pratiquée aux Etats Unis a fait le reste. Depuis sa création en 1955, sont évoqués tous les aléas de ce dispensaire psychanalytique (difficultés, déménagements multiples, élargissement de la population soignée - d’abord aux adolescents puis aux adultes), luttant pour son autonomie de fonctionnement en gardant l’esprit de sa création, et l’ouverture à la formation. Rattaché au secteur de Perray - Vaucluse et finalement destiné aux adultes, ce dispensaire a pris, à la mort de son créateur en 1994, le nom de « Centre Victor Smirnoff (22 Boulevard de Sébastopol 75004 Paris). Quelques participants du Quatrième Groupe y ont travaillé comme psychanalystes.
Collègue attachante, cultivée, discrète et modérée dans les débats internes et les différents Bureaux, Marie-Claude va nous manquer.
Michelle Moreau Ricaud
Présente au colloque La force du nom : "Leur nom ils l'ont changé" qui s'est tenu à Paris, d’abord, au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme, le 18 octobre, puis à Jérusalem, les 1,2,3 novembre 2009, Michelle Moreau Ricaud en livre ici son compte rendu. Rappelons que ce colloque à donné lieu à un ouvrage du même nom paru en octobre 2010 aux éditions Desclée de Brouwer, et dont vous trouverez les références complètes ici
Freud et la curiosité : à propos de « Freud collectionneur » , le dernier livre de Michelle Moreau-Ricaud (Campagne-Première/ recherche-Février 2011)
C’est en explorant la passion de Freud pour la quête d’objets antiques que Michelle Moreau Ricaud emmène le lecteur dans un voyage à travers le temps et l’espace. En 160 pages, elle retrace de manière très érudite, documentée et précise, l’histoire de la notion de collection, sous-tendue par une pulsion, la curiosité, des origines de l’homme jusqu’à Freud et le sens que la psychanalyse a permis de renouveler. Bien qu’il existe des animaux étonnamment collectionneurs, l’être humain aura d’emblée un rapport particulier à l’objet. La place de l’objet dans l’histoire de l’humanité puis dans la psyché donne un peu plus de sens aux comportements humains dans ce qu’ils ont de meilleur comme de pire. C’est ainsi que les premiers hommes préhistoriques décorent des poteries, dégageant l’objet de sa fonction utilitaire et le faisant advenir au statut d’œuvre d’art, l’autre versant étant l’utilisation des objets dans les rituels mortuaires. De l’art à la mort, pour reprendre le beau titre d’un livre de Michel de M’Uzan, la frontière entre objet animé et inanimé est bien plus mince qu’on ne le pense, et pulsion de vie et de mort moins clivées !
Le butin est avant tout trésor de guerre. La recherche qui permet les avancées scientifiques s’est nourrie de l’emprise de l’homme sur le monde extérieur. Le rôle de la religion est central avec les reliques. via les regalia, ces objets dont la fonction de guérison va croissant à une époque, en droite ligne de la pensée qui guérit, dont la psychanalyse n’est pas si éloignée que cela. Le passage du religieux au laïque avec les premiers cabinets d’anatomie, cabinets de curiosités , cabinets de lecture, la botanique avec l’envolée du cours de ….la tulipe, aboutit à l’explosion de la science mais aussi à la création de nos modernes musées emblématiques de la culture du 20e siècle.
Au travers de la vie de quatre collectionneurs, le comte de Caylus (1692-1765), personnage de roman, Sir Thomas Phillipps (1792-1872) bibliophile, Balzac et son double littéraire- le cousin Pons, Gaëtan Gatian de Clérambault (1872-1935)- plus proche de nous car médecin- psychiatre dont les observations célèbres ont influencé Lacan et qui s’est pris comme objet d’étude, se pose la question de la place de l’autre. Avec chacun d’eux, on passe de la curiosité banale aux passions vitales ou néfastes, et à la mince limite entre le normal et le pathologique. En prêtant trop de (leur) vie aux objets, ces collectionneurs négligent dans un mouvement de balancier extrême, leur propre vie et celle de leurs proches. Et pourtant, de l’auteur de la comédie humaine, en passant par le bibliophile, au médecin enclin à comprendre et soigner, tous semblaient être tournés vers le monde extérieur.
En se recentrant sur Freud, elle nous fait envisager autrement sa vie quotidienne : Freud et son auditoire fictif, Freud scribe de l’histoire de ses patients, Freud face à la perte d’êtres chers- sa collection commence juste après la mort de son père, Freud et une religion laïque, choisissant délibérément les polythéismes égyptien et grec plus propices aux métaphores que sa religion juive d’origine. Ses identifications à d’autres découvreurs, Schliemann, Champollion… et in fine ses rêves d’enfant jouant aux soldats de fer… Freud et la mort : nous apprenons qu’une jeune femme se suicide dans son immeuble juste avant de sonner chez lui pour une consultation. On peut imaginer le traumatisme d’un tel événement mentionné par peu d‘historiens de la psychanalyse et le déterminisme qu’il aura sur ses futures recherches. Et il est troublant de mettre en regard le fait qu’il puisse emporter sa collection dans l’exil grâce à la générosité de Marie Bonaparte, alors qu’il ne pourra sauver ses sœurs…
L'apport de ce livre est très original, car l’auteure, psychanalyste reconnue et avertie, ne nous abreuve pas d’interprétations, mais bien au contraire, ouvre sur tous les champs de connaissances qui nourrissent le sens. C’est ainsi que le croisement de l’éthologie, l’anthropologie, l’histoire du monde, de l’art, de la psychanalyse, donne une approche tout à fait subtile de ce qui ne pourrait paraître que comme une originalité anecdotique de la personnalité de Freud. Du particulier, Michelle Moreau Ricaud nous entraîne vers l’universel, dans une réflexion sur nous-même et nos patients en nous faisant sortir de l’automatique association entre collection, analité et névrose obsessionnelle. En cela il me fait beaucoup penser au livre de Serge Viderman sur «L’argent en psychanalyse et au-delà ».
Comme symptôme, la collection présente l’intérêt d’être à l’intersection de l’individuel et du collectif, exactement comme la religion.
Cela m’évoque le fait que l’accumulation est une caractéristique de l’homme allant de pair avec la place de l’argent. Aucun être ne vit totalement dénudé : même au fin fond de l’Amazonie, des attributs rituels existent. L’objet est pour l’homme indissociable du sens et donc du langage. Pourquoi certains s’autorisent-ils plus que d’autres, et surtout au détriment des autres, à amasser ?
De la collection au collectif, il n’y a qu’un pas, et c’est donc à une réflexion profonde sur les liens de l’homme aux autres, que l’auteure nous invite, et pour cela qu’il nous soit permis de la remercier pour « le gain de plaisir » évoqué dans sa conclusion, qu’elle nous offre à son tour.
Rencontre autour d’un nouveau livre :
Michelle Moreau Ricaud, « Freud Collectionneur » , Editions Campagne Première, 2011, Paris,
librairie Lipsy, le 14 Mai 2011.
La présentation du dernier livre de Michelle Moreau Ricaud, Freud collectionneur, avec la participation de deux discutants Nicolas Gougoulis (SPP er AIHP) et Philippe Porret (SPF) a été une très belle occasion de revisiter la personnalité du fondateur de la psychanalyse devant un public passionné.
Nicolas Gougoulis (dont on trouvera le résumé de sa présentation ci-dessous) retrace d’abord la recherche de Michelle Moreau Ricaud sur Freud, sa collection et la place que ces objets avaient non seulement pour lui mais aussi dans son cabinet et vis à vis de ses patients, Ainsi elle rapporte le témoignage de la poétesse Hilda Doolittle dans le journal de son analyse.
En nous faisant comprendre ce qu’est une collection et des portraits très divers de collectionneurs, l’évolution des cabinets de curiosité en musées, elle approche la personnalité de Freud à travers ce besoin de collectionner.
C’est donc sur Freud, après Balint que Michelle Moreau Ricaud exerce d’une nouvelle manière originale ses talents de biographe.
Elle rapporte la visite étonnante d’André Breton, qui voit Freud comme « un médecin de quartier » ; certaines rencontres avec lui pouvaient être manquées Par hasard je tombe sur une attitude très dure du même A Breton à l’égard de Giacometti lorsque celui-ci ose s’éloigner du surréalisme, témoignant certainement d’un certain sectarisme. Certes Freud, même devenu célèbre n’habitait pas le quartier du Ring, celui de la grande bourgeoisie juive assimilée de Vienne.
N. Gougoulis se demande quelle serait la réaction d’un archéologue du futur en découvrant le livre de Michelle : une curiosité, un “memorabilia”, qui sait? Mais après l’avoir parcouru la conclusion est qu’il comprendrait le but ultime de Michelle, montrer sa manière d’investir un grand penseur, “son Freud”. Elle nous pousse à se représenter chacun son Freud, ce qui le rendrait plus proche de nous, une manière de l’aimer.
Philippe Porret reprend sa description d’un Freud utilisant sa promenade quotidienne, espace « transitionnel » de liberté, si nécessaire lorsque l’on reçoit des patients, rendant visite à l’antiquaire chez qui, somme toute , il se délassait. Il propose une comparaison entre la fonction de cette collection comme espace de projection de la pensée, à l’instar des jardins japonais dont l’abstraction nous incite à l’introspection.
Les différents intervenants vont interroger Michelle Moreau Ricaud sur les intérêts esthétiques de Freud :
- pourquoi la statuette d’Athéna était- elle sa préférée ?
- pourquoi cette prédominance de la sculpture au détriment d’autres formes d’art plastique comme la peinture (Christian Gaillard)?
- pourquoi ne s’intéressait-il pas à l’art contemporain pourtant si innovant et créatif ?
Michelle répond par le goût de la Grèce pour Freud, qui connaît sa culture, sa langue, le grec classique, a traduit Sophocle au Lycée. De plus la petite statuette d’Athéna, cette fille de Zeus, fille de la Raison, était un cadeau princier – celui de Marie Bonaparte, princesse de Grèce et du Danemark. Pour Freud elle représentait, symbolisait l’ensemble de sa collection. C’est elle qu’il montre, présente à Hilda Doolittle. En guise d’interprétation, il commente : « elle est parfaite », peut-être parce qu’elle a les caractéristiques de la bisexualité? Ou parce qu’elle a perdu sa lance...Michelle ne trouvant soudain qu’une désignation de cette déesse -“Athéna Niké” - en appelle aux Grecs présents, sans succès...Nicole Belmont-Valabrega nous rappelle alors le nom d’Athéna “Parthenos”, c’est-à-dire la vierge, non fécondée.
Il lui semble effectivement qu’il ne s’est pas intéressé aux oeuvres des peintres de son temps et redit son étonnement de la méconnaissance de Freud du mouvement de la Sécession : Klimt par ex. alors qu’il peint sa Nuda Veritas en 1898, ou Les trois âges de la femme, ou Eau mouvante ; ou d’autres encore qui vont dans les mêmes thèmes ou évoquent le flux pulsionnel freudien. Au sujet des identifications nombreuses de Freud, que l’auteur a essayé de décrypter, Houchang Guilyardi demande si « l’Egypte est présente ». Michelle rappelle qu’effectivement outre son identification à Champollion – l’interprête /traducteur des hiéroglyphes dont Freud utilise la méthode pour le langage du rêve, le Scribe qui trône dans la pièce, et le Pharaon peuvent s’évoquer dans le bureau d’écriture un « sanctuaire » si non une pyramide où Freud écrit entouré de sa cour de statuettes…
Pour Michelle « Freud n’est pas un collectionneur habituel : à proprement parler il n’apparaît ni compulsif ou obsessionnel, ni avare de ses trésors ; il aime ses objets mais il peut en donner, comme à Karl Abraham, qui ira, lui, en Egypte, et se passionnera pour Akhenaton. Ou encore au fils de Jones qui les conservera toute sa vie ».
Puis elle rappelle ses « motivations conscientes pour l’écriture de ce livre : (son) saisissement à la découverte de cette collection à Londres au moment où la maison de Freud devient un musée, puis après un compte-rendu pour la revue Frénésie, l’oubli puis la résurgence de l’émotion et de l’énigme lors d’un Symposium à Athènes avec une contribution : “ Un Freud Grec? ”. Viendront ensuite la commande de l’éditeur Campagne –Première ; puis sa conférence au IVè Groupe à la Scola Cantorum. Enfin la proposition du Musée Rodin de présenter “un autre regard ...” sur les collections des Antiques de Rodin et de Freud qui partageaient la même passion »
A contrario la maison de Vienne est restée vide, et Michelle espère qu’elle le restera pour signifier l’exil de Freud.
Son désir de connaître non seulement le Freud psychanalyste et théoricien, mais un Freud moins connu, plus intime, découvert d’abord à travers ses correspondances, puis avec cette énigmatique collection. Elle l’a inclut dans la culture de son temps et dans la Culture tout court. Cet ouvrage nous permet un rapport à Freud plus humain, plus proche et in fine peut-être moins « statufié » ?
Monique Mioni
Merci Michelle pour ce livre. Tu nous offres les outils de comprendre ce qu’est une collection et un collectionneur.
Michelle nous promène à travers la langue et le siècle dans la constitution des cabinets de curiosités qui deviennent des musées. Elle nous avait déjà donné des aperçus de son talent dans sa biographie de Balint et la découverte des écrivains hongrois et ici elle nous présente un Freud à la fois familier et insolite. C’est une occasion de rendre plus humain, plus près de nous, une manière de le présenter non en théoricien mais en penseur qui a besoin de supports qui aident le développement de sa réflexion.
En nous offrant ce tableau elle pose une question : quelle est la valeur de la collection de Freud? Avant tout elle était sentimentale. Freud ne collectionnait pas tel un obsessionnel, qui cherche à maîtriser une série au moyen d’une complétude. Plutôt, il cherchait à acquérir des objets produisant sur lui un effet esthétique provoquant des associations. A ce titre il est bien plus un amateur d’art, un amateur archéologue qu’un collectionneur, mais il a constitué un belle collection très variée : antiquités grecques, égyptiennes, étrusques, romaines, chinoises.
Freud était un personnage très solitaire quand il pensait, quand il théorisait et ses objets curieusement souvent tenait lieu de source d’inspiration voire d’interlocuteur silencieux. Son bureau –celui où il écrivait - était rempli de ses antiquités. Il lui arrivait même de proposer à certains patients (telle HD) ces supports comme de moyens d’inspiration associative.
Freud impressionnait la plupart de ses interlocuteurs et Michelle de découvrir et nous offrir une petite histoire de la seule personne qui a eu une impression étrange; André Breton lui trouve l’allure d’un “médecin de quartier”.
Certes si on compare la Berggasse à la maison de l’Amérique latine ancien hôtel particulier de Charcot, on peut comprendre cet avis. D’ailleurs, on peut se poser la question de l’identification de Freud à Charcot sur ce point. Il est connu que Freud admirait Charcot sur tous les plans et notamment sur le plan du succès social.
Nicolas Gougoulis