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Pierrette LAURENT
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Quel sens donner à l’agitation motrice et à ses déploiements sensoriels dans les groupes thérapeutiques ? Quels sont les processus psychiques à l’œuvre ?
Dans les moments chaotiques des groupes thérapeutiques, l’excitation se propage de l’un à l’autre par des expressions sensorielles élémentaires, apparemment sans autre lien que celui d’une co-excitation : cris, onomatopées, souffles, soupirs ou sensations d’étouffement, déplacements rapides, tournoiements, « jeux » avec la lumière, sensations de chaleur excessive, de froid, etc.
La conception freudienne a introduit l’idée que la matière psychique d’un sujet est profondément mêlée à celle d’un ou plusieurs autres. Actuellement, les analystes de groupe s’intéressent aux temps premiers de la construction d’un « moi-corporel » où viennent s’inscrire les traces mnésiques consécutives aux stimulations sensorielles : empreintes toniques, rythmiques, odorantes, gustatives, sonores, visuelles qui, la vie durant, seront le plus souvent silencieuses mais toujours présentes.
Les auteurs abordent ces cliniques groupales où les surgissements sensoriels élémentaires dominent. Ils analysent les processus psychiques qui les provoquent en lien avec la situation de dynamique groupale et s’accordent à rechercher le sens de toute cette agitation motrice et de ces déploiements pluri-sensoriels.
184 pages.
Depuis les années 1950, les thérapies de groupe d’enfants se sont largement déployées, notamment dans les institutions de soin et dans le secteur médico-social. Leurs dispositifs sont aussi divers que la formation de ceux qui les pratiquent. Au vu de cette multiplicité de dispositifs peu théorisés, ces thérapies ont eu du mal à s’affirmer comme un traitement spécifique et ont souvent été considérées comme une pratique « par défaut ».
En s’appuyant sur sa longue expérience clinique, Pierrette Laurent montre à quelles conditions le travail psychique en groupe d’enfants peut devenir psychothérapique.
Comment les liens créés dans et avec le groupe viennent dénouer et transformer les symptômes des enfants pour favoriser la reprise de leur dynamique de pensée ? Quelle est la fonction de l’analyste de groupe ? Quelles sont les articulations nécessaires entre groupes thérapeutiques et institutions dans lesquelles ils se déroulent ? À partir de nombreuses vignettes cliniques, cet ouvrage apporte des outils méthodologiques, théoriques et pratiques à destination de tous les professionnels qui conduisent des groupes thérapeutiques d’enfants.
208 pages.
La multiplicité des dispositifs groupaux proposés dans les institutions de soin, tant pour les patients adultes, les adolescents ou les enfants que pour les professionnels, nous engage à nous pencher sur ce qui fonde le pouvoir thérapeutique de ces groupes. Que provoque l’expérience groupale chez tout sujet qui y prend part ? Comment cette expérience lui permet-elle une élaboration psychique ? Quels sont les processus qui sous-tendent les effets thérapeutiques observés ? ??Les auteurs s’attachent ici à décrire les formes que prend la réalité psychique inconsciente dans l’espace groupal et les conditions nécessaires pour qu’une élaboration puisse en être faite. Certains conçoivent le groupe comme une enveloppe dont la fonction contenante se construit et s’étaye directement sur celle du thérapeute. D’autres se centrent sur les processus groupaux et tentent d’avancer vers une métapsychologie du groupe. Tous sont à l’écoute des effets de l’inconscient, de ses manifestations dans cet espace qu’est le groupe, propice à l’accueil des projections singulières qui se mêlent en des scénarios fantasmatiques partagés. ???René Kaës est psychanalyste, professeur émérite de psychologie et psychopathologie cliniques, université Lumière, Lyon 2. ? ?Pierrette Laurent est psychiatre, psychanalyste, centre de guidance infantile, Caen ? ??Avec la participation de : Jean-Bernard Chapelier, Hervé Chapellière, Anne Duprey, Anelise Fredenrich, Bernard Golse, Jean-Jacques Grappin, Blandine Guettier, Claudine Launay, Claudio Neri, Pierre Privat, Didier Roffat ?
192 pages.
Articles
Nous prenons, peu à peu et douloureusement, conscience du bouleversement qui s’annonce dans notre monde. Que deviennent alors les différents espaces psychiques quand l’angoisse interne est due à la réalité externe, quand ce que nous éprouvons est l’angoisse du réel à différencier de l’angoisse du pulsionnel selon Freud ? Comment considérer le travail psychique exigé par la rencontre de chacun avec ce nouvel environnement, nouvelle réalité externe ? En m’appuyant sur les rêves recueillis par Charlotte Béradt de 1933 à 1939, lors de l’installation du nazisme en Allemagne et ceux relatés par Jean Cayrol à son retour du camp de Mauthausen, je vais essayer de rendre compte ce qu’apportent les travaux de Piera Aulagnier, Geneviève Haag et René Kaës, à l’analyse de ces rêves.
Relisant L’enfant dans la psychanalyse d’Anna Freud, son rapport détaillé de la vie du « groupe des enfants de Terezin » est venu pour moi éclairer cette nécessité de constituer une matière psychique commune, groupale, pour qu’un groupe puisse devenir psychothérapique. Je vais tenter de dégager comment cette observation, revue à la lumière de nos concepts de la construction du moi corporel et de l’image du corps, et de ceux retirés de l’expérience psychanalytique des groupes, enrichit notre approche des phénomènes groupaux et de la groupalité psychique.
Il s’agit d’un groupe de six enfants juifs allemands (trois filles et trois garçons) arrivés à Bulldogs Bank, charmante maison « entourée de champs et de bois », le 15 octobre 1945. Ils étaient alors âgés de 3 ans à 3 ans et 10 mois et venaient de vivre entre deux et trois ans dans le camp de concentration de Terezin.
On en sait peu de choses. Après la déportation puis le meurtre de leurs parents, après être passés de refuge en refuge, six enfants, entre 3 mois et 1 an, échouèrent et vécurent au camp de concentration de Terezin. Ils furent admis à la « section des enfants sans mère » où ils furent gardés avec les moyens du bord (peu de nourriture, peu voire pas de jouet, peu d’espace et un personnel lui-même déporté, affaibli et soumis aux déportations successives et incessantes). Ils y restèrent jusqu’à la libération du camp, le 3 mai 1945. Dès ce jour, ces six enfants, avec bon nombre d’autres, furent soignés et nourris durant un mois dans un château tchèque, puis reçus en Angleterre dans le camp de Windermere pour deux mois, avec un convoi de 300 enfants et adolescents, « transportés en bombardiers » nous dit A…
L’excitation en groupe d’enfants a souvent été considérée si excessive qu’elle ne pouvait pas permettre la symbolisation ; ce qui a poussé les psychanalystes soit à se détourner des groupes soit à en scander le temps (accueil, jeux, retour introspectif sur le jeu). Depuis plusieurs dizaines d’années, nous proposons des groupes d’enfants où l’expression (verbale, ludique, gestuelle) est laissée libre tout au long de la séance, et nous nous sommes particulièrement interrogé(e)s sur ces moments d’excitation intense et sur la « raison » de leur existence. Devons-nous les interdire, les modérer, les laisser se développer, voire les favoriser ? Jusqu’où et comment ? Que nous disent-ils du travail psychique en groupe ? Pouvons-nous leur inférer des mouvements transférentiels particuliers, leur reconnaître une place spécifique dans le développement des processus psychiques groupaux et individuels ? Ces questions sont abordées à partir de séances venant de la clinique des groupes de psychothérapie psychanalytique d’enfants lors de moments particuliers tels que ceux de la constitution de la matière psychique groupale, ceux de l’illusion groupale.
Des séquences cliniques où le transfert s’exprime par des manifestations corporelles (perte de la reconnaissance de son propre visage, douleur aiguë du sein, gestualité de l’enfant autiste, atteinte somatique) poussent à interroger le lien qui pourrait se tisser de « la base organique hystérique de l’analyse », selon Ferenczi, au concept de la topique originaire de P. Aulagnier et aux identifications corporelles de G. Haag. Selon l’auteure, les processus psychiques de l’autoclivage narcissique et du mirage de l’autre en soi peuvent être rattachés au fonctionnement psychique spéculaire, spécifique à la topique originaire, forgeant les identifications intracorporelles décrites par G. Haag. Ils sont alors à reconnaître au fonctionnement du fondement de tout psyché avec les modalités de transformation propres aux processus primaires et secondaires.
La topique de l'originaire de Piera Aulagnier, avec sa dynamique et son économie permet à l'analyste de penser en images de choses corporelles et résonne fortement avec la genèse du moi-corporel que G. Hagg a longuement développée au cours de ses travaux théorico-cliniques. La première rencontre de la psyché serait celle qu'elle fait avec son corps, un corps chimérique, fait d'objet-zones complémentaires, tout mêlé à l'espace corporo-psychique du premier autre. Ces approches théorico-cliniques ouvrent une voie possible à l'abord des figurations gestuelles, corporelles et comportementales des enfants autistes et, à leur interprétation dans le transfert, qui, en nommant leur vécu intime, les attire dans le monde du fantasme et du langage. Quelques séquences cliniques viendront rendre compte des perspectives ouvertes par ces concepts et de l'indissociabilité de la pratique analytique avec sa théorie.
En présentant deux séances successives, l’auteur tente d’illustrer le processus d’association libre dans les groupes de psychothérapie psychanalytique d’enfants à l’âge de la latence. Ces groupes étayent le processus thérapeutique du sujet sur les processus évolutifs du groupement par la prise en compte des phénomènes psychiques groupaux. Reconnaître les affects réveillés par la situation de et du groupe, les mettre en mots, pousse les enfants à les jouer pour les transformer. Les jeux construits dans les deux séances relatées concernent l’élaboration d’une enveloppe groupale fiable, contenant nécessaire pour que le groupe puisse advenir comme espace psychothérapique où les formations psychiques de chaque sujet pourront se projeter et se transformer. Cette élaboration repose sur l’éprouvé de chaque sujet dans le hic et nunc de la séance et sur la rencontre de ces différents éprouvés. L’analyste aide à l’assemblage de ces matériaux, en fonction de sa sensibilité contre-transférentielle, pour leur mise en scène et en sens quand le groupement achoppe à ce travail psychique.
Interlignes
Il s'agit de l'ouverture à d'autres textes concernant l'attaque terroriste du Hamas contre Israël du 7 octobre 2023 :
Quel effroi devant l’attaque terroriste menée par le Hamas sur des bébés, des enfants, des adolescents, des femmes, des hommes, des vieillards. Certains ont été surpris dans leur liberté festive (une rave-party), d’autres dans leur vie amicale, familiale, d’autres encore dans leur lit. Comment trouver les mots pour dire la barbarie de ce massacre, pour dire cette volonté d’éliminer ceux qui dansent, grandissent ou vieillissent, ceux qui vivent. Ce n’est pas seulement Israël qui est attaqué, c’est la cause palestinienne elle-même, c’est l’humain en chacun de nous, sa vulnérabilité, son désir de vivre, sa vie. Pour tuer aussi froidement, rapidement, prendre des otages civils, torturer, il faut à la fois avoir perdu la reconnaissance de l’autre en tant qu’humain et sa propre « identification à l’espèce humaine » (Nathalie Zaltzman), avoir acquis une capacité d’indifférence radicale à la souffrance de l’autre, être aux prises avec une destructivité qui est aussi une auto-destructivité, une haine de la vie, une véritable culture de mort.
Nous, psychanalystes, qui travaillons avec les effets psychiques des situations traumatiques, avons à chercher les mots qui permettraient d’éviter la transformation de l’effroi en haine.
Nous sommes, encore et à nouveau, devant la question irrésolue posée par Freud en 1929, dix ans après la première guerre mondiale et dix ans avant la deuxième : « La question décisive pour le destin de l’espèce humaine me semble être de savoir si et dans quelle mesure son développement culturel réussira à se rendre maître de la perturbation apportée à la vie en commun par l’humaine pulsion d’agression et d’auto-anéantissement (S. Freud, 1929 , Le malaise dans la culture, O.C. XVII, PUF, 1994, p.333). »
Le 13/10/2023
Pierrette Laurent
Présidente du Quatrième Groupe
Pierrette Laurent est psychiatre, pédopsychiatre, psychanalyste membre du IVe Groupe, psychanalyste de groupe, formatrice au CIRPPA.