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Jean-François CHIANTARETTO
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Avec les contributions de Houria Abdelouahed, Janine Altounian, Gilles Bibeau, Jean-François Chiantaretto, Ellen Corin, Brigitte Dollé-Monglond, Nicolas Evzonas, Janine Filloux, Dominique Geay, Catherine Herbert, Jean-Michel Hirt, Pierrette Laurent, Monique Lauret, Ghyslain Lévy, Catherine Matha, Martine Mikolajczyk, Adam Prigent, Sylvie Sesé-Léger, Jean-François Solal, Ana de Staal et Olivia Todisco.
Comment de nos jours rester freudiens dans notre réflexion sur les maux de la civilisation ? Seule aujourd’hui une écriture reliée à celle de Freud – mais sous quelle forme ? – nous permettrait-elle de questionner le système de pensées, étayé sur le langage de l’histoire, qui conditionne notre penser ? Et d’interroger dans le même mouvement ce qui dans l’état actuel de la culture, et donc de la psychanalyse, nous empêche de penser ? Mais alors qu’en est-il lorsque l’écriture prend le malaise pour motif ? Comment le malaise dans la culture est-il articulé au malaise dans la cure ? Et en quoi cela viendrait-il spécifier l’écriture de l’analyste, par rapport à celle de l’écrivain ? Des psychanalystes sont ainsi conviés à partager les questions de l’écriture quand celles-ci sont envisagées sous l’angle du travail de culture – comme possible transformation de la destructivité et de l’autodestructivité – et de ses empêchements. Différentes figures du malaise contemporain sont ainsi abordées, notamment : dans l’identité (du sexe au genre), dans l’emprise du virtuel sur l’intime, la parole et les liens, dans la formation psychanalytique, dans le transfert et son écriture…
286. pages.
La psychanalyse est née avec l’écriture de Freud. Comment s’écrit la psychanalyse et comment comprendre son rapport électif à l’écriture ? Cette double question est donc originelle et après Freud, non seulement les psychanalystes écrivent mais ils mettent en œuvre un point de vue spécifique sur l’écriture – comme acte, comme trace et comme représentation. Ce point de vue n’est pas séparable du déploiement historique de la psychanalyse, dans son dialogue avec la littérature et les sciences humaines.
Depuis les années soixante, le Centre Culturel International de Cerisy-la-Salle a joué un rôle central dans ce dialogue. Les textes ici réunis en témoignent, en montrant les différentes facettes des implications psychanalytiques de l’écriture, à travers l’expérience de psychanalystes, mais aussi d’écrivains et de traducteurs.
170 pages.
Piera Aulagnier (Milan 1923-Suresnes, 1990), est née à Milan, de parents italiens. Elle passe son enfance en Égypte. Après des études secondaires puis de médecine en Italie, elle vient à Paris en 1950.Jacques Lacan, son analyste de 1955 à 1961, lui conseille de se former à la clinique psychiatrique à l’hôpital Sainte-Anne, où elle mettra ensuite en place son séminaire. Après la Société française de psychanalyse, issue de la première scission, elle suivra Lacan lorsqu’il fondera l’École freudienne de Paris. Elle rompra avec lui autour des questions liées à la formation psychanalytique et rejoindra François Perrier et Jean-Paul Valabrega pour fonder le Quatrième Groupe.
Après l’arrêt de L’inconscient, créée avec Jean Clavreul et Conrad Stein, elle crée en 1969 une nouvelle revue, Topique, qui accompagne cette fondation.
Avec le « contrat narcissique », Aulagnier propose une perspective métapsychologique novatrice, qui permet de renoncer aux tentations de faire de la psychanalyse une conception du monde, tout en rendant compte de la dimension anthropologique du projet freudien. Ce concept permet de repenser l’articulation entre narcissisme individuel et narcissisme collectif, au fondement à la fois de l’ensemble humain et de l’humain en chaque sujet individuel.
Il reste que son apport ne se réduit pas à ce concept, aussi fondamental qu’il soit. Figure majeure de la psychanalyse contemporaine au plan international, Aulagnier occupe une place centrale dans l’histoire du mouvement psychanalytique français.
Élève de Jacques Lacan, elle rompra avec lui quand il introduit la procédure dite de la passe au sein de l’École freudienne de Paris. Cette rupture l’amènera en 1969 à cofonder le Quatrième Groupe, avec François Perrier et Jean-Paul Valabrega, dans l’objectif de repenser la formation psychanalytique.
Son œuvre renouvelle tout à la fois la clinique psychanalytique, la formation des analystes et la métapsychologie. Elle se situe au croisement des deux courants majeurs ayant animé la psychanalyse après Freud : entre le retour à Freud prôné par Lacan, mettant l’accent sur le langage, et l’héritage de Sándor Ferenczi, prolongé et renouvelé par Donald Winnicott, axé sur l’infans. Aulagnier propose ainsi une conception inédite de la construction psychique, qui entend intégrer à la métapsychologie héritée de Freud une nouvelle instance – le Je – et un nouveau processus, précédant les processus primaire et secondaire : le processus originaire.
280 pages.
Comme toujours dès qu’on décentre durablement l’humain de son apparente et naïve quiétude, dès qu’on sème le doute sur ses souvenirs et l’origine de ses passions, on le rend malade. Malade de la peste. Le dimanche 27 aout 1909, sur le pont du George Washington qui l’amenait à New-York, contemplant la découpe des gratte-ciels de Manhattan, Freud ne s’y était pas trompé. « Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste… » avait-il confié pensivement à Ferenczi et Jung. La psychanalyse comme peste des certitudes. Vérité impossible à formuler en Europe ? Ironie d’un Viennois ciblant la naïveté américaine ? En tout cas, la mesure de cette « peste » et la qualification de ses symptômes ne sont pas plus aisés aujourd’hui qu’en 1909. C’est pourtant cela que vise ce recueil.
Au demeurant, la véracité de la phrase citée fait débat. Elle ne figure ni dans les œuvres de Freud, ni dans celles de Ferenczi ou de Jung. Pourtant, le 7 novembre 1955, à Vienne, lors d’une conférence prononcée sur le sens d’un « retour à Freud », Lacan affirme la tenir de Jung. Mais l’aurait-il finalement inventé pour propager, au nom de son fondateur, l’annonce des méfaits de la jeune science ? Comme avec le pangolin du XXIe siècle, un doute subsiste sur l’identité de l’agent infectieux.
Rendre à l’incertitude son bien, tel est donc l’enjeu. Mais encore faut-il pouvoir la défaire de l’irritation qu’engendre toute retenue, fût-elle celle du jugement. Séjourner « dans les incertitudes, les mystères et les doutes sans se laisser aller à la quête agacée de faits ou de raisons » exige une solide capacité négative. John Keats en faisait la source du génie de Shakespeare, et Bion en rappelle l’impérieuse nécessité dans l’exercice de l’analyse. C’est à ce prix que l’écoute s’affranchit de tout agrippement au savoir, qu’elle accueille l’angoisse et l’effondrement pour permettre, le moment venu, les salutaires mouvements de la curiosité.
Certes on pourra regretter que depuis plus d’un siècle la « jeune science » ait pris quelques rides et qu’elle puisse parfois s’essouffler sous le poids de trop généreux commentaires. Pourtant l’incertitude demeure l’ordinaire du psychanalyste. À condition, bien sûr, qu’il accepte de suivre les chemins du scandaleux et de l’inouï en s’arrachant aux ornières du bien connu et du prédictible.
Comme on le verra, les textes ici assemblés partent souvent de « petits riens », rencontrés au fil du quotidien analytique. Dans la cure, dans l’échange entre collègues, en marge de lectures. Ils sont comme autant de pensées incidentes. Elles en disent souvent long sur les vastes et complexes théories qui les sous-tendent et se sont constituées au cours d’un lent parcours. À l’écart de tout conformisme assuré, chaque auteur a voulu se laisser distraire par l’imprévu et l’incertain. Sans fausse pudeur. Sans naïveté ni complaisance non plus.
J.Y. T.
Auteurs: Viviane Abel Prot, Isabelle Alfandary, Marc Amfreville, Laurence Apfelbaum, Miguel de Azambuja, Jean-Louis Baldacci, André Beetschen, Leopoldo Bleger, Laure Bonnefon-Tort, Catherine Chabert, Jean-François Chiantaretto, Nicolas de Coulon, Brigitte Dollé-Monglond, Bernadette Ferrero-Madignier, Gilberte Gensel, Jean-Michel Hirt, Laurence Kahn, Marie Claire Lanctôt Bélanger, Jean-Michel Lévy, Anne Maupas, Évelyne Sechaud, Marie Sirjacq, Jean-Yves Tamet, Claire Trémoulet.
256 pages.
La perte de soi est souhaitable pour tout un chacun, au titre d’une nécessité intérieure. Se parler et parler, être présent dans les mots et être représenté par les mots, donner mot à ses affects : cela suppose de consentir à ne jamais coïncider avec soi-même.
À l’opposé, il est une autre figure de la perte de soi, relevant de la destructivité et de l’autodestructivité : la disparition de soi à soi-même. Comment survivre à cette perte ?
Telle est bien l’interrogation portée par « l’existence limite », qui traverse l’ensemble de l’ouvrage, de la clinique à l’écriture, avec deux éclairages aussi indirects qu’essentiels : d’une part, le dialogue de Freud et Ferenczi, destructeur et créateur, qui re-commence la psychanalyse ? d’autre part, l’écriture survivante de Kertész, qui fait œuvre de l’effacement.
Philosophe et psychologue clinicien de formation, Jean-François Chiantaretto est psychanalyste (Quatrième Groupe) et professeur de psychopathologie (Université Paris 13). Ses livres sont traversés par la question de l'interlocution interne, qu'il s'agisse des écritures de soi, de l'écriture du psychanalyste ou de la clinique des limites.
248 pages.
Avec les catastrophes génocidaires et leur projet de négation de l’appartenance humaine, dont la Shoah constitue la figure paradigmatique, le XXe siècle aura marqué une rupture au cœur même de l’idée de culture. C’est en se confrontant à cette violence que Nathalie Zaltman initie, à partir de sa pratique clinique, un véritable renouvellement de la psychanalyse. Revenant sur la théorie freudienne des pulsions de mort pour l’enrichir du concept de « pulsion anarchiste » (1979), elle dessine une approche novatrice de la négativité, au-delà de l’autodestructivité narcissique de type mélancolique ou de la haine narcissique de la culture suscitée par l’exigence collective de sacrifices pulsionnels. Dans cette perspective, la culture apparaît irrémédiablement traversée par une lutte entre la transformation (partielle) de la des- tructivité et la régression destructrice qui fait fondre dans la notion de « masse » l’individuel et le collectif.
En revisitant le travail de la cure, les processus de la culture, les figures de l’exclusion et du mal, les différentes contributions réunies dans ce volume témoignent de l’importance et de l’actualité de son œuvre, internationalement reconnue.
Nathalie Zaltzman (1933-2009), psychanalyste, est née à Paris de parents juifs exilés. Après des études de psychologie, elle se forme à la Société française de psychanalyse puis à l’École freudienne de Paris. En 1970, elle rejoint le Quatrième Groupe, issu d’une rupture avec Jacques Lacan en 1969. Outre de très nombreux articles, son œuvre se compose de trois ouvrages : De la guérison psychanalytique (1998), La Résistance de l’humain (1999) et L’Esprit du mal (2007).
304 pages.
Contributions : J. Altounian, G. Barbieri, G. Brisac, J.-F. Chiantaretto, A. Cohen de Lara, E. Corin, B. De Rosa, N. Durr, C. Ferrié, G. Gaillard, J.-M. Hirt, M.-F. Laval Hygonenq, I. Lasvergnas, A. Lecoq, G. Levy, C. Matha, R. Minjard, M. Moreau-Ricaud, J.-P. Pinel, E. Tysebaert, M. Vacquin, F. Villa.
Les psychanalystes écrivent, du moins certains d’entre eux. Mais en quoi l’écriture les concerne-t-ils et les implique-t-ils spécifiquement ?
La question vaut d’autant plus aujourd’hui, et sans doute davantage en France et dans l’aire francophone, que le recours à l’écriture chez les analystes connaît une diversification sans précédent de ses formes. Peut-être qu’en parallèle avec un certain abandon du modèle de l’application de la psychanalyse à la littérature, les psychanalystes seraient non seulement de plus en plus nombreux à écrire, mais aussi de plus en plus nombreux à chercher leur écriture : à chercher leur écriture en expérimentant de nouvelles modalités de croisements entre écriture autoréférentielle et écriture fictionnelle.
L’enjeu est d’échapper à l’alternative, encore dominante : soit l’entrecroisement du témoignage clinique et de l’essai, soit l’adoption des formes littéraires consacrées, comme le roman ou la nouvelle. Sont ainsi conviés à penser, ensemble et séparément, des psychanalystes de divers styles et de différents courants, mais aussi des écrivains et des spécialistes du texte littéraire.
386 pages.
L’objectif de ce numéro 235 est d’évoquer -sans prétention exhaustive-, les apports conséquents de plusieurs grands psychanalystes britanniques, pour l’ensemble du corpus clinique et théorique de la psychanalyse. Malgré une diffusion parfois sélective et plus tardive en France qu’en d’autres pays européens et d’Amérique du Sud-, ces apports nourrissent désormais la pratique, et témoignent de la richesse de leurs avancées et perspectives permettant une approche de plus en plus subtile de l’évolution intra et intersubjective de nos psychismes.
pages.
Avec la participation de Janine ALTOUNIAN, Christine ARBISIO, Stéphanie BAROUH-COHEN, Jeanne BERNARD, Thierry BOKANOWSKI, Anne BOURGAIN, Catherine CHABERT, Aline COHEN DE LARA, Corinne-Déborah DAUBIGNY, Mireille FOGNINI, Georges GAILLARD, Louise GRENIER, Hélène ISNARD, Jean-Pierre KAMIENIAK, Vladimir MARINOV, Francis MARTENS, Catherine MATHA, Ariane MORRIS, Françoise NEAU, Philippe REFABERT
168 pages.
On peut relever la place de plus en plus importante occupée par le corps et la sensorialité dans les écritures de soi, comme dans la clinique psychanalytique. Cela renvoie à l’évolution tant des modalités de l’intime que de la psychopathologie contemporaine. Et cette évolution offre à penser autrement les liaisons et les déliaisons du corps somatique et du corps érotique, du corps à aimer et du corps à détruire, c’est-à-dire du corps et de ce qui l’anime.
Différentes questions sont ici débattues, notamment : le corps dans la cure et les conditions de possibilité de son écriture ; la dimension sensorielle de l’intime dans les écritures de soi ; le corps comme lieu et lien d’écritures… Le débat prend la forme d’un dialogue entre écrivains, spécialistes du texte littéraire et psychanalystes, autour des différentes formes d’écriture de soi et de leurs ancrages sensoriels : les écritures de soi, c’est-à-dire, au-delà même des « genres » consacrés (autobiographies, journaux intimes, autofictions, essais, etc.), toute écriture considérée dans sa dimension d’autoprésentation, lorsque l’écrit inclut un certificat d’authenticité produit par l’auteur en personne.
302 pages.
L'écriture de soi (autobiographie, journaux intimes, autofiction, etc.) met toujours en scène une tension entre deux positions psychiques : attester d'une identité (voilà qui je suis), témoigner d'une altération (voilà qui je suis empêché d'être). L'enjeu semble la délimitation de soi, au sens d'un espace intérieur, d'un lieu singulier d'interlocution interne : entre la sculpture et la marche, la fouille et la déambulation, le récit et son impossibilité.
Une telle délimitation de soi prend une valeur spécifique lorsque l'auteur témoigne dans l'écriture d'une expérience psychique d'effraction, d'implosion ou de falsification de l'être. Il s'agit notamment des expériences traumatiques extrêmes ou des troubles ayant rendu précaire ou incertaine la construction même de l'espace psychique. Dans ces différents registres de la survivance, l'écriture de soi prend alors littéralement fonction d'une écriture des limites : l'effort de (re)construire un lieu pour soi, suffisamment vivable et vivant. Le croisement de l'écriture et de la clinique est ici nécessaire, avec des spécialistes de la littérature, des écrivains, des traducteurs et des psychanalystes.
304 pages.
Cliniques et écritures Certaines situations cliniques amènent à se demander si l'écriture ne constituerait pas un composant du dispositif. Nombreux sont par ailleurs les cliniciens qui associent à leur pratique une clinique de l'écriture. Une question se pose en tous les cas : en quoi et selon quelles modalités le passage à l'écriture peut-il s'imposer au clinicien comme un prolongement nécessaire de sa pratique La question sera ici partagée à partir de différents dispositifs cliniques, ayant néanmoins en commun la référence à la méthode psychanalytique, en tant qu'elle met en oeuvre indissociablement un processus thérapeutique, un processus d'investigation et la métapsychologie. Le geste fondateur freudien, qui invente la psychanalyse en l'écrivant, a définitivement indiqué la spécificité du rapport à l'écriture dans le champ psychanalytique. Toutefois, à la diversité ici délibérément requise des dispositifs et des positionnements, s'ajoutera la diversité, délibérément recherchée, des référents analytiques mis en oeuvre.
218 pages.
Proposant une approche à la fois clinique et littéraire, ce livre entend montrer en quoi les écritures de soi (autobiographies, journaux, essais, etc.), lorsqu'elles témoignent d'une expérience traumatique, permettent de mieux penser la psychopathologie des limites. Les écritures de soi mettent en marche ce qui ne marche pas, ou mal, dans les pathologies des limites : la possibilité de se parler, c'est-à-dire d'une expérience intérieure de soi par les mots. Mais lorsque l'écriture témoigne d'une expérience traumatique extrême, tout particulièrement avec les témoins survivants d'un génocide, le texte vient éclairer la menace d'anéantissement et les modalités de résistance à cette menace caractérisant l'univers psychique des fonctionnements limites. L'auteur associe ainsi la lecture d'un écrivain (Imre Kertész), d'une essayiste (Janine Altounian) et d'un peintre (Gérard Garouste), une présentation clinique et une réflexion sur le travail de pensée de l'analyste en séance.
168 pages.
Mettre en regard altérité et psychopathologie porte l'accent sur le paradoxe soulevé et maintenu par la psychanalyse : le conscient ne constitue que la petite partie émergée de notre capacité de penser issue de notre fonctionnement psychique. La plus grande part, relève de nos identifications inconscientes sur fond d'interdit de l'inceste, d'affects et d’idéaux, ce qui laisse entendre que nous sommes surdéterminés par une altérité interne, le discours de l'Autre et des autres, qui nous rend étrangers à nous-mêmes. Le paradoxe est de croire que l'étrange et l’étranger se situent essentiellement dans la réalité extérieure, alors que la plupart du temps, l'un et l'autre ne sont que la projection de notre réalité fantasmatique telle que peuvent nous la révéler nos rêves les plus scabreux, la littérature ou la psychopathologie.
Une telle problématique concerne particulièrement notre contexte culturel au moment ou la xénophobie se répand de manière aiguë pour cautionner la fragilité dans une politique culturelle réduite à un management purement gestionnaire issu du capitalisme financier, qui exclut la force souterraine du lien à l'autre. Et les deux grands thèmes développés : "clinique et altérité" et "littérature et altérité" auxquels un interlude sur la structure psychique vient apporter un rebondissement théorique, contribuent à mettre à jour à travers les loupes de la psychopathologie et de la littérature, le processus spécifiques de certaines figures de notre altérité interne.
158 pages.
Peut-on avoir confiance dans le langage ? Les mots expriment-ils fidèlement notre pensée ou nous trahissent-ils ? Quels sont les mots qui manquent et ceux auxquels il faudrait se fier ?
Confiance et langage, véritables garants du lien social, sont nécessaires à la construction de chaque individu, de chaque relation, de chaque culture. Aujourd’hui, à l’heure de profondes mutations économiques, politiques et culturelles, cet ouvrage permet de réinterroger le lien entre confiance et langage à travers une approche pluridisciplinaire.
Psychologues, psychanalystes, linguistes, historiens, juristes mènent une passionnante réflexion autour de plusieurs thématiques : la parole au quotidien, la parole en thérapie, la confiance dans le récit autobiographique, la culture comme espace symbolique, la confiance dans les discours publics…
Confiance, méfiance, manipulations, trahison… cet ouvrage ouvre de nouvelles perspectives en sciences humaines et littérature sur la question de la confiance dans son interaction avec le langage. Une réflexion au cœur de l’actualité.
Avec les contributions de
Éliane Allouch, Janine Altounian, Nicolas Ballier, Éric Bidaud, Steve Bueno, Jean-François Chiantaretto, Christine Delory-Momberger, MBaye Diouf, Bernard Edelman, Khadiyatoulah Fall, Marie-Claude Fourment-Aptekman, Louise Grenier, Simon Harel, Hakima Megherbi, Jean-Noël Pelen, Jean-Pierre Pinel, Annette Wieviorka.
220 pages.
Le dossier développé dans ce numéro rassemble quelques réflexions et questions ayant fait l’objet de dé-bats en 2007, suite à l’ouverture, durant plusieurs années, par Jean-François Chiantaretto et Nathalène Isnard d’un groupe de travail autour du thème « La psychanalyse questionnée par la Bible ». Ce n’est pas la première fois que les psychanalystes interrogent les textes bibliques : il existe en effet déjà de riches et nombreux écrits qui travaillent ainsi à les explorer d’un point de vue psychanalytique. Freud lui-même, de par sa propre connaissance biblique et sa culture judaïque, a développé tout un pan de ses travaux (L’homme Moïse et la religion monothéiste) en prenant en compte cet éclairage. La Bible s’occupe aussi, sous un certain angle, des premières interrogations et réponses de l’enfance et de l’humanité sur l’origine, la fin, la naissance, les angoisses, les croyances et les conflits. Les travaux présentés ici envisagent d’aborder et d’entrecroiser des questions habitant la clinique psychanalytique, et qu’on peut découvrir travaillées au cœur de quelques textes de la Genèse. Rencontres et cheminements d’une genèse de la pensée humaine ?
158 pages.
Les discours sur l’altérité sont de plus en plus présents dans les médias, souvent mêlés pour le meilleur ou pour le pire à des préoccupations concernant l’identité et la différence, individuelle ou collective (politique, culturelle, ethnique, religieuse, sexuelle, etc.). L’objectif de ce numéro est de redonner à l’idée d’altérité la fragilité qui la constitue, en interrogeant les conditions intrapsychiques de toute relation à autrui. L’altérité d’autrui ne peut être reconnue qu’à condition de trouver un lieu intérieur pour être ressentie, investie et discutée, au prix d’affronter l’ambivalence foncière liée au besoin de l’autre pour se sentir exister. Et il n’y a de parole adressée que portée et nourrie par le dialogue intérieur avec l’autre et ses différentes figures, bonnes ou mauvaises, nouvelles et anciennes, actualisées ou inchangées. Les textes ici présentés proposent une approche plurielle de la question, associant psychopathologie et culture.
176 pages.
Où un être humain puise-t-il la force d'affronter ce qui peut le détruire dans sa personne, son identité ou sa culture ? Comment réussit-on à survivre à la solitude, la détresse, la menace de mort ? Journal, autobiographie ou témoignage, les oeuvres d'Anne Frank, Amadou Hampâté Bâ, Claude Vigée et Primo Levi sont autant de lieux de survie : à la clandestinité pour Anne Frank ; à la disparition de sa culture d'origine, orale et nomade, pour le Peul Amadou Hampâté Bâ ; à l'extermination par les nazis de sa famille et de sa communauté, juive alsacienne, et à l'exil pour Claude Vigée ; au camp d'Auschwitz pour Primo Levi. Dans l'oeuvre de chacun se dévoile une figure commune, un semblable en soi auquel le Je s'adresse, un «témoin interne», qui leur permet de faire oeuvre de résistance intérieure. Anne Frank s'invente une amie, Kitty, à laquelle elle se confie. Pour sauver le passé de l'effacement, Claude Vigée et Amadou Hampâté Bâ convoquent les récits familiaux, les voix de leurs proches. Et Primo Levi témoigne de l'importance du dialogue intérieur, d'une relation à soi quand les nazis tentent d'abolir toute relation à autrui, de détruire en chacun le sentiment d'appartenance à l'espèce humaine. Mais ces figures exemplaires vont bien au-delà d'elles-mêmes : elles montrent que le dialogue intérieur avec le «témoin interne» est un enjeu psychique fondamental pour chacun, car c'est lui qui nous donne le sentiment d'exister et d'appartenir à l'espèce humaine. C'est ce que démontre avec beaucoup de profondeur et de sensibilité Jean-François Chiantaretto, qui formalise ainsi un nouveau concept.
179 pages.
Les auteurs de cet ouvrage collectif ont tous participé à le Décade internationale de Cerisy-La-Salle, " Autobiographie, journal intime et psychanalyse ", qui avait marqué l'aboutissement d'un ensemble de recherches menées par le groupe " Littérature personnelle et psychanalyse ". Ce groupe fondé en 1992 par Jean-François Chiantaretto, est né d'un projet qui trouve là son plein déploiement : l'interrogation mutuelle de la psychanalyse et des différentes formes d'écriture de soi. Un nouveau champ apparaît ainsi, qui renouvelle la question des rapports de la psychanalyse et de la littérature, comme celle de la lecture et de l'interprétation de ces formes d'écriture. Le problème est posé du rôle joué par les écritures de soi dans l'émergence de la psychanalyse et de l'influence en retour de celle-ci sur celles-là. Plus largement, il s'agit de mettre à l'épreuve d'une approche globale des écritures de soi, au titre des différentes modalités d'expérience de soi dans l'écriture, lorsque celle-ci propose explicitement une autoreprésentation de l'auteur en personne. En deçà de l'opposition autobiographie/journal intime, l'ouvrage offre d'aborder chaque texte comme le lieu d'une tension plus ou moins conflictuelle entre deux positions psychiques, dans l'investissement de l'écriture de soi : attester une identité, témoigner une altération.
337 pages.
Quels sont les effets, au plan de la réalité psychique individuelle, de la violence qui s'est déployée tout au long du siècle dernier sur la scène collective de l'histoire ? En quoi les traumas ainsi générés se rapprochent-t-ils et se différencient-ils des traumas auxquels les psychanalystes sont confrontés dans leur pratique ordinaire et les amènent-ils à les repenser ? Ces questions, Violence d'État et psychanalyse les posaient en 1989, dans cette même collection, à partir du contexte lié à la dictature militaire en Argentine. Le présent ouvrage prend en somme la suite, en retrouvant ces mêmes questions dans différents contextes historiques (la " Grande Guerre ", le génocide arménien, la Shoah), et posées du point de vue des témoins survivants. Les auteurs ici réunis travaillent à rendre sensibles différentes modalités selon lesquelles l'expérience traumatique attaque l'étayage testimonial sur la psyché de l'autre. Un tel étayage est au cœur du lien social et de la place de chacun dans le monde des semblables différents, du fait de la composition relationnelle de l'être humain. Il s'agit ainsi d'approcher les récits des survivants aux catastrophes collectives mettant en cause l'appartenance humaine des victimes - à les approcher en ce qu'ils obligent à penser la destruction et la survie, tout à la fois aux plans intrapsychique, intersubjectif et social (J. Altounian, J.-F. Chiantaretto, C. Trevisan, R. Waintrater). Il s'agit aussi de rendre compte du dispositif testimonial à l'œuvre dans la cure (J.-F. Chiantaretto, P. Réfabert, R. Waintrater) et dans la construction psychique du Je (J.-F. Chiantaretto, P. Réfabert).
200 pages.
480 pages.
Actes du colloque organisé par la BPI les 23 et 24 mars 2001 dans la Petite Salle du Centre Pompidou à Paris
De l'écriture de soi à l'écriture de l'histoire, il y va d'une construction narrative. Pour autant, tracer une analogie ou même délimiter tes rapprochements entre ces deux registres d'écriture n'est résolument pas le propos de ce livre. Dire l'histoire : le récit historique suppose, entre autres conditions, une adresse, un destinateur et un destinataire. Cette adresse est complexe, destinateur et destinataire étant l'un et l'autre pluriel, mettant à l'œuvre différents réseaux d'interlocution, impliquant tout à la fois de multiples appartenances et le sol commun de l'appartenance humaine. Dans quelle mesure l'interlocution interne, appelée ou attestée dans l'écriture de soi, participe-t-elle ou peut-elle participer à l'écriture de l'histoire ? La place du "je" dans la construction du récit historique sera ici interrogée du côté de l'écriture de soi, de l'expérience de soi dans l'écriture en tant qu'elle engage un face à face (assumé ou non) mettant en jeu la place de chacun au sein de L'ensemble humain. La question se pose dans ces termes, au sortir d'un siècle marqué par des catastrophes humaines ayant amené à re-définir le témoignage, une re-définition prenant acte du besoin vital de la présence du passé. Elle est posée dans ce livre par des écrivains, des spécialistes de la littérature, des traducteurs, des historiens et des psychanalystes, qui donnent la parole à des textes délibérément très différents, de Camus, Duras ou Vigée à Chalamov, Primo Levi, Mishima, Naipaul et bien d'autres.
260 pages.
Cet ouvrage vient poser la question de l'écriture autobiographique, de l'écriture de soi dans son rapport au narcissisme, dans ce qu'il recouvre de faille justement dans l'amour de soi. Les termes du problème sont tout d'abord posés au regard de la psychanalyse, mais aussi de l'histoire, en montrant que, dans l'écriture de soi, le plus intime devient, de manière paradoxale, le plus impersonnel, voire le plus insaisissable, comme chez Derrida. Cette question de l'exposition de soi est explorée ensuite dans la littérature à travers d'une part le mythe de Narcisse qui meurt lorsqu'il se rencontre, d'autre part des écrits autobiographiques. Celui de Schreber met en évidence la fonction du double dans ce type d'écriture de soi, comme l'emploi de multiples pseudonymes pour Saint-John Perse, quand il parle de lui, constitue une défense contre un effondrement s'il venait à s'unifier sous un seul nom. Enfin, à partir de la clinique, est analysé l'enjeu de construction et de destruction du sujet qui se prête à une écriture autobiographique. En effet, dans ce type d'écriture, le texte se présente comme lieu d'élection et d'incarnation d'une représentation de soi, ayant pour mission de donner corps à ces illusions narcissiques qui, tout à la fois, font vivre le sujet et l'empêchent de vivre, ce dont témoigne bien l'écriture adolescente, spécialement celle du journal intime.
142 pages.
Il a souvent été dit que l'écriture avait à faire avec le devenir psychique d'un trauma chez l'écrivain, qu'on mette ou non au premier plan la fonction dite réparatrice de l'écriture. Cette affirmation générale mérite d'autant plus d'être discutée qu'elle suppose une définition élargie du traumatisme psychique qui pose question, d'un point de vue psychanalytique y compris. Mais qu'en est-il lorsque le projet de celui qui écrit est l'écriture de soi, sous une forme ou une autre ? En posant une telle question, on ne peut ignorer que la psychanalyse est née avec Freud d'affronter le problème du traumatisme psychique et de son origine. Un problème qui a hanté Freud jusqu'à la fin, comme en témoigne son livre sur L'homme Moïse, et a continué après lui à hanter le psychanalyse. S'il est avéré que le déploiement de la théorie freudienne du fantasme et de l'après-coup a définitivement changé la manière de poser le problème, il n'en reste pas moins que les interrogations liées à la notion même d'événement traumatique ou au statut accordé au traumatisme physique dans la définition du trauma - du sens étymologique à l'idée freudienne d'effraction- - demeurent plus vives que jamais. Et qu'elles désignent un point de souffrance, sans doute sans remède, dans la théorie et la pratique psychanalytiques comme dans l'ensemble des " sciences humaines ". Il s'agit ici d'aborder le problème de la singularité du destin psychique du trauma dans l'écriture de soi, qu'il soit pris ou non dans l'histoire collective. Et de l'aborder sous l'angle du processus de subjectivation, de l'échec ou du succès de ce processus dans l'écriture de soi.
284 pages.
Qu'est-ce que la sincérité ? La notion se dérobe dès lors qu'on cherche à la saisir. Ce n'est pas la bonne foi, ni l'honnêteté intellectuelle, la franchise, la loyauté, l'authenticité... Insaisissable, troublante, la question de la sincérité se pose de façon incontournable tant dans l'écriture de soi que dans l'analyse. Ici ou là, la sincérité occupe une place centrale : centrale dans l'écriture de soi, qui se pose par contrat sincère ; centrale aussi au coeur du dispositif de la cure car il n'y a d'accès à soi-même qu'à travers l'épreuve de la sincérité. Pourtant, paradoxalement, la sincérité, dès qu'elle se proclame, change de nature. Elle perd sa force de conviction, elle devient aveu, confession. Vertu fondamentale ou leurre inévitable ? Nécessaire exigence envers soi-même ou quête inaccessible ? A l'intersection entre littérature et psychanalyse, cet ouvrage réunit les contributions d'écrivains, spécialistes de littérature, psychanalystes, psychologues, sociologues, qui s'attachent à comprendre et à définir la notion de sincérité. A travers les textes de Barbey d'Aurevilly, Henry Roth, Michel del Castillo ou Amadou Hampâté Bâ..., à travers des genres aussi divers que le récit autobiographique, le témoignage, la correspondance, ils permettent de mieux cerner cette notion dans toute son ampleur et sa diversité.
188 pages.
Le modèle freudien de l'écriture de cas ici dégagé est porteur de la radicale spécificité du dispositif théorico-clinique de la cure, d'un dispositif supposant la psychanalyse en tant qu'elle est indissociablement une méthode d'investigation, une méthode thérapeutique et une théorie de l'inconscient. Ce modèle est à dégager comme tel à la fois en ce qu'il constitue l'enjeu premier de la responsabilité des analystes quant à l'héritage freudien et en ce qu'il donne à penser à l'ensemble de ceux qu'il faudrait nommer, au plus près de la terminologie freudienne, les cliniciens de l'âme. La succession est difficile. L'écriture freudienne de cas, écriture fondatrice s'il en est, constitue polir les héritiers un modèle impossible à reproduire : aucun analyste, même parmi ceux qui ont joué ou jouent un rôle fondateur, ne sera jamais en position d'écrire un cas pour créer et fonder la psychanalyse. Mais il n'y a d'écriture en prise avec la psychanalyse que dans et par la référence à ce modèle. C'est en cela qu'il semble nécessaire d'aborder ledit modèle sous l'angle précisément de l'écriture, de l'écriture comme processus et procédure.
95 pages.
Le déploiement contemporain de la littérature dite person¬nelle appelle un changement de point de vue, quant à l'entrecroisement de la psychanalyse et de la littérature. Dans le même temps, les psychanalystes sont de plus en plus nombreux à reconsidérer leur rapport au champ littéraire, à partir des questions nées de leur propre pratique de l'écriture. Littéraires et psychanalystes se trouvent ainsi engagés, davantage et autrement, à faire travailler ensemble leurs interrogations ; et particulièrement les plus vives, autour du problème de l'écriture de soi. Quels sont les enjeux chez les écrivains d'une mise à distance du " biographique " ? Où en est aujourd'hui, du côté des analystes, la relation d'altérité entre littérature et psychanalyse ? En quoi les " cas " sont-ils à envisager d'un point de vue littéraire ? Quel rôle la littérature, et plus particulièrement la littérature personnelle, a-t-elle joué dans le développement historique de la psychanalyse ? Comment penser l'articulation du temps et de la narration dans la cure ? Quelles sont les fins de l'écriture autobiographique après la cure ? ... Telles sont les questions, parmi d'autres, abordées dans ce livre.
283 pages.
293 pages.
Une lecture qui restitue au sein de ce que l'auteur nomme le projet brechtien, la place de la théorie. Une nouvelle lumière sur l'oeuvre du dramaturge.
214 pages.
Articles
L’injonction sociale de la transparence constitue un marqueur contemporain du malaise dans la culture. Elle vient attaquer « l’interlocution interne » du sujet, comme condition de possibilité du lien entre semblables différents, au fondement de l’idée même d’ensemble humain. La psychanalyse, comme méthode thérapeutique et d’investigation, référée à l’écoute de l’écart du dit et du dire, constitue intrinsèquement une résistance à l’attaque. Cette résistance sera mise en perspective à travers l’esquisse d’une approche généalogique de la notion d’interlocution interne, au croisement de l’individuel et du collectif.
Cet article propose de reprendre la question de la tendresse : là où elle a commencé – avec Freud – et là où elle a re-commencé – avec le dialogue entre Freud et Ferenczi. Elle se pose entre eux deux, avec pour enjeu une métapsychologie intégrant, d’une part, les processus psychiques de l’analyste en séance et, d’autre part, le statut de l’infans dans l’adulte.
La psychanalyse naît, se développe et se reformule dans un processus sans fin de transmission. L’auteur abordera les questions posées par la transmission de la psychanalyse à l’université, en tant qu’elles viennent interroger le lien intrinsèque entre méthode psychanalytique et métapsychologie.
La période covid fait obligation aux analystes de repenser le malaise dans la culture, non pas en le psychopathologisant, mais en reprenant encore et toujours la question des fondements métapsychologiques de leur pratique. Le fil suivi ici est celui de « l’effroi infans », au cœur de la dépendance vitale caractérisant l’état sans-aide originel. Cela amènera à ré-interroger l’approche freudienne du Nebenmensch, esquisse restée sans suite métapsychologique chez Freud.
Malgré le souci freudien de clairement distinguer la peur de l’angoisse, ces deux affects semblent inextricablement liés dans son œuvre. Il apparait que pour Freud l’angoisse est originaire – qu’il s’agisse de l’angoisse de la naissance ou de l’angoisse de castration. Une des manifestations cliniques qui retiennent sont attention sont les phobies infantiles d’animaux. Les cas du petit Hans ou le petit Arpad mettent Freud sur la piste de l’analogie entre phylogénétique et ontogénétique, développement du petit homme et évolution de l’humanité. Pourtant, contre toute attente, la peur et l’angoisse sont passées sous silence dans l’anthropologie freudienne des origines, alors même qu’elles apparaissent comme l’un des ressorts, si ce n’est le mobile, du mythe du meurtre du père de la horde.
La discussion s’est déployée dans trois directions : la spécificité du « couple fondateur » Freud-Ferenczi ; le trauma, de Freud à Ferenczi ; l’infans dans l’adulte comme re-commencement métapsychologique.
«Le problème – clinique, théorique et métapsychologique – des aménagements techniques liés à la psychopathologie des limites est au centre de cette lecture de Ferenczi, d’un Ferenczi cherchant à se trouver/créer dans la confrontation à Freud et à ses contradictions. Elle excelle à montrer un Ferenczi à la recherche d’une théorie du contre-transfert et de son élaboration, à travers l’idée que la “perlaboration sensible” de l’analyste permettrait d’associer et de justement doser le versant qualitatif de l’interprétation et le versant quantitatif de la répétition, per via di porre et per via di levare. La “logique paradoxale” de l’oscillation viendrait ainsi transformer le duel en dualité créatrice. Et si l’empathie guide l’oscillation, l’identification empathique ne vise pas l’analysant en personne, ni même l’ensemble de son fonctionnement psychique, mais l’enfant traumatisé encrypté dans l’adulte clivé, pris dans le piège de l’identification à l’agresseur et à sa culpabilité inconsciente : isolé et donc incapable d’être seul.»
J.-F. Chiantaretto, Préface
Comme toujours dès qu’on décentre durablement l’humain de son apparente et naïve quiétude, dès qu’on sème le doute sur ses souvenirs et l’origine de ses passions, on le rend malade. Malade de la peste. Le dimanche 27 aout 1909, sur le pont du George Washington qui l’amenait à New-York, contemplant la découpe des gratte-ciels de Manhattan, Freud ne s’y était pas trompé. « Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste… » avait-il confié pensivement à Ferenczi et Jung. La psychanalyse comme peste des certitudes. Vérité impossible à formuler en Europe ? Ironie d’un Viennois ciblant la naïveté américaine ? En tout cas, la mesure de cette « peste » et la qualification de ses symptômes ne sont pas plus aisés aujourd’hui qu’en 1909. C’est pourtant cela que vise ce recueil.
Au demeurant, la véracité de la phrase citée fait débat. Elle ne figure ni dans les œuvres de Freud, ni dans celles de Ferenczi ou de Jung. Pourtant, le 7 novembre 1955, à Vienne, lors d’une conférence prononcée sur le sens d’un « retour à Freud », Lacan affirme la tenir de Jung. Mais l’aurait-il finalement inventé pour propager, au nom de son fondateur, l’annonce des méfaits de la jeune science ? Comme avec le pangolin du XXIe siècle, un doute subsiste sur l’identité de l’agent infectieux.
Rendre à l’incertitude son bien, tel est donc l’enjeu. Mais encore faut-il pouvoir la défaire de l’irritation qu’engendre toute retenue, fût-elle celle du jugement. Séjourner « dans les incertitudes, les mystères et les doutes sans se laisser aller à la quête agacée de faits ou de raisons » exige une solide capacité négative. John Keats en faisait la source du génie de Shakespeare, et Bion en rappelle l’impérieuse nécessité dans l’exercice de l’analyse. C’est à ce prix que l’écoute s’affranchit de tout agrippement au savoir, qu’elle accueille l’angoisse et l’effondrement pour permettre, le moment venu, les salutaires mouvements de la curiosité.
Certes on pourra regretter que depuis plus d’un siècle la « jeune science » ait pris quelques rides et qu’elle puisse parfois s’essouffler sous le poids de trop généreux commentaires. Pourtant l’incertitude demeure l’ordinaire du psychanalyste. À condition, bien sûr, qu’il accepte de suivre les chemins du scandaleux et de l’inouï en s’arrachant aux ornières du bien connu et du prédictible.
Comme on le verra, les textes ici assemblés partent souvent de « petits riens », rencontrés au fil du quotidien analytique. Dans la cure, dans l’échange entre collègues, en marge de lectures. Ils sont comme autant de pensées incidentes. Elles en disent souvent long sur les vastes et complexes théories qui les sous-tendent et se sont constituées au cours d’un lent parcours. À l’écart de tout conformisme assuré, chaque auteur a voulu se laisser distraire par l’imprévu et l’incertain. Sans fausse pudeur. Sans naïveté ni complaisance non plus.
J.Y. T.
Auteurs: Viviane Abel Prot, Isabelle Alfandary, Marc Amfreville, Laurence Apfelbaum, Miguel de Azambuja, Jean-Louis Baldacci, André Beetschen, Leopoldo Bleger, Laure Bonnefon-Tort, Catherine Chabert, Jean-François Chiantaretto, Nicolas de Coulon, Brigitte Dollé-Monglond, Bernadette Ferrero-Madignier, Gilberte Gensel, Jean-Michel Hirt, Laurence Kahn, Marie Claire Lanctôt Bélanger, Jean-Michel Lévy, Anne Maupas, Évelyne Sechaud, Marie Sirjacq, Jean-Yves Tamet, Claire Trémoulet.
La matière transférentielle des voies de la transmission de la psychanalyse ne peut être abordée hors la référence à un au-delà, constitutif, des transferts. La pensée de Nathalie Zaltzman est à cet égard fondamentale, tant sur le plan métapsychologique qu'au regard de sa place dans le Quatrième Groupe.
Ferenczi re-commence la psychanalyse avec et contre Freud. Sa théorie originale du trauma l’amène à édifier une métapsychologie du penser de l’analyste en séance. Mais le re-commencement ferenczien procède de l’impossibilité pour Freud et Ferenczi d’être ensemble analyste et analysant, alors même que le second est le seul interlocuteur du premier à pouvoir s’investir et être investi comme un interlocuteur interne, dans la création de la psychanalyse.
À partir de ce drame – originel, originaire – il revient ainsi à chaque analyste d’autoriser le dialogue Freud-Ferenczi à dépasser son empêchement et à déployer sa puissance créatrice, plutôt que sa puissance destructrice. Cela suppose de renoncer à se faire l’analyste de l’un comme de l’autre, et à consentir à faire œuvre d’une vacance au cœur de ses propres transferts : à laisser libre la place de l’analyste de l’analyste.
Psychanalyste et enseignant chercheur : qu’en est-il aujourd’hui du lien délicat entre ces deux « métiers impossibles » ? Il était déjà devenu envisageable que la formation des psychologues cliniciens avec la psychanalyse soit assurée par des non-psychanalystes, mais cela tend maintenant à devenir en outre recommandable. Est ainsi remis en cause le lien organique entre la métapsychologie, la méthode psychanalytique et la question du cadre. Dans ce contexte préoccupant pour la psychanalyse – bien au-delà de l’université – le modèle épistémologique de la psychanalyse à l’université selon Laplanche constitue une référence essentielle. L’enjeu pour l’analyste en position d’enseignant chercheur consiste à trouver un style de présentation, en rapport avec une manière d’être avec la psychanalyse. Un style donnant suffisamment accès aux enjeux cliniques et méthodologiques de la théorie psychanalytique, tout autant qu’aux enjeux théoriques et méthodologiques des situations cliniques expérimentées par le psychologue clinicien en formation.
Le surmoi matérialise l’intrication du psychisme individuel et de la culture, dans la perspective freudienne de l’articulation de l’auto-destructivité individuelle et de l’auto-destructivité collective. Dans cette articulation, la psychopathologie des limites, tant sur le versant mélancolique que sur le versant incestuel, oblige à mettre l’accent sur les convergences du travail de la cure et du travail de la culture.
En reprenant ici avec un texte de Winnicott le dispositif mis en œuvre avec « L’enfant mal accueilli et sa pulsion de mort » de Ferenczi?ont été réunis autour de ce texte des analystes de divers styles et obédiences, avec pour seule contrainte le risque de témoigner le plus librement possible de son actualité dans leur pratique clinique et théorique. Ces analystes étant par ailleurs tous enseignants-chercheurs, sans doute s’agit-il aussi de témoigner en acte de la possibilité à l’Université d’œuvrer au questionnement psychanalytique de la psychanalyse – une possibilité intrinsèquement liée au projet même de la formation de psychologues cliniciens avec la psychanalyse, qui ne peut légitimement être porté que par des analystes, et des analystes assumant de déployer pour une part leur créativité à partir de l’étrangèreté?de leur présence à l’Université.... (suite sur la revue)
Il ne s'agit ici non pas tant de discuter le dernier livre de Ghyslain Lévy, Le don de l'ombre, que de venir témoigner des résonances éprouvées à la lecture. Résonances d'autant plus précieuses qu'elles viennent me parler de ce que nous partageons depuis plus de vingt ans, au sein du groupe de recherches "Littérature personnelle et psychanalyse", dont ....
Le cas présenté amène à aborder l’autodestructivité sous l’angle du « mal-accueil de l’être » et de son accueil dans le contre-transfert et le transfert de l’analyste. La perspective ainsi ouverte vient interroger l’inanalysé et l’inanalysable de la relation Freud-Ferenczi, qui fait œuvre de vie et de mort. De l’inauguration de la scène analytique jusqu’à la clinique la plus contemporaine.
Dans ses journaux, Imre Kertész affiche une position d’écriture différente de la plupart de ses autres textes. Il revendique de faire œuvre de l’autodestructivité liée à la culpabilité d’exister. Il s’agit non plus de survivre aux traumas de l’enfance et des camps nazis, mais d’investir l’écriture de soi comme lieu d’incarnation dans la relation au regard de l’autre.
L’épisode du Serpent dans la Genèse permet de penser au plus près l’attaque de la parole et de la pensée dans les pathologies des limites. Cette attaque a pour visée le détournement de la puissance du langage, comme vecteur de différenciation et de séparation, tant sur le plan de la pensée que sur le plan relationnel.
Faire l’expérience de soi est susceptible de devenir pour le témoin survivant de la Shoah une épreuve cruelle, puisque sa subjectivité a été attaquée comme fondement de son appartenance humaine. Faire l’épreuve de soi dans le récit testimonial confronte à la menace d’être requis à faire la preuve de soi, voire de faire de soi une preuve. J’aborderai ce problème à partir d’Imre Kertész, précisément parce que, dans son œuvre, l’écriture de soi met en scène le dialogue intérieur du témoin, le lien indéfectible entre le besoin de se parler et le besoin de l’autre pour s’entendre. Et le met en scène à la fois tel qu’il est éprouvé, dans tous les sens du terme, chez les témoins survivants, et tel qu’il peut l’être en et par chacun d’entre nous.
Ce livre réunit les textes écrits à partir des actes du colloque « Aux origines du Je : l’œuvre de Piera Aulagnier » qui s’est tenu à Cerisy-La-Salle du 15 au 22 juillet 2021. Il présente les collaborations de Dominique Bourdin, Emmanuelle Chervet, Jean-François Chiantaretto, Aline Cohen de Lara, Ellen Corin, Mireille Fognini, Florian Houssier, René Kaës, Isabelle Lasvergnas, Pierrette Laurent, Ghyslain Lévy, Yves Lugrin, Catherine Matha, Michelle Moreau-Ricaud, Jean-Claude Rolland, Dominique Tabone Weil, Evelyne Tysebaert et Claire De Vriendt-Goldman.
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